J’aime ces jours de ciel bleu mobile où les rues vont dans le même sens que les nuages.
Dans l’hiver du village le soir vint, puis la nuit, puis la lune.
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Se mêler à son encre pour décrire ces nuages lourds appuyés contre le ciel, cette brume immobile, l’ombre d’une rue étroite, ce samedi plein d’hiver…
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Par instants, mon père regardait le ciel et moi je regardais mon père.
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Pour écrire. S’effacer, tirer les rideaux, s’entourer de soi sous l’orbe ami de la lampe.
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Au passage du soir, juste à côté du ciel, les nuages courent tous dans la même direction pour rentrer au coin du monde.
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Le rude hiver s’est acharné sans répit sur toi, pauvre treille.
Bois noir effrité, déchiqueté, désolé, laissé pour mort en mars, tu bourgeonneras avec gloire et vigueur en avril et innocemment en juin, tu te cacheras sous un épais manteau de feuilles.
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Ce matin, par un soleil de jardin, le mimosa est en gloire, le rosier bourgeonne, la vigne s’éveille, la terre gazonne, le printemps cette année frappe fort à la porte de l’hiver.
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Il pleut dans le soir de Paris.
Au bord de Neuilly endormie,
un petit point rouge venu d’ailleurs,
enthousiaste et plein de vie,
le cirque Romanes.
Sur la piste on jongle avec des riens,
on danse avec mille couleurs,
on chante avec une contrebasse,
un saxophone et
un accordéon des airs tziganes.
Alexandre, riche de ses enfants et de ses mots,
transmet l’humanité, la sagesse et la pudeur de tout un peuple.
Loin de ce petit point rouge,
il pleut toujours dans le soir de Paris
et dans notre cœur.
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Écrire
derrière
une idée
une histoire
un personnage
Mais la poésie
c’est être soi enfin
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Un soir d’août, il a fallu peu de choses pour comprendre que nous étions d’un même pays et qu’il fallait devenir poème.
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Lorsque les aiguilles du cadran marquent la lenteur des rues
Lorsque les ombres n’ont plus aucun appui où se poser
Lorsque les bruits finissants de la ville se détachent
Lorsque l’air est soudainement plus humide
Lorsque les réverbères s’animent un à un
Alors
Le crépuscule du soir peut
écrire les premiers mots de la nuit
Portes et volets clos
Serré contre lui-même
Emmitouflé derrière de longues écharpes de brume
Le village se protège
C’est l’hiver en mai
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Site protégé
Interdit d’entrée
Sous surveillance
Mais c’est moi
Je suis dehors
Devant ta grille
Je te vois de l’autre côté
Je me vois
Tu m’as connu
Jeune
Enthousiaste
Nous avons eu des ambitions, des joies,
des peines, de grosses contrariétés
Mais nous étions bien ensemble
J’aurais pu t’aimer encore
Je suis dehors
Devant ta grille
Je te vois de l’autre côté
Je me vois
Mon usine
Mes années
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L’homme est dense. Sac à dos posé sur l’épaule, chemise violette, pantalon de toile beige, Garouste marche de long en large, le pas lent et grave, dans l’espace méditerranéen de la fondation Maeght. Errant dans ses profondeurs, à distance du monde, il finit par nous rejoindre, la main solidement agrippée à la lanière de cuir de son sac. Son regard est perplexe, dans une quête insatiable de réponses. Devant sa peinture, il est autre, présent. Ses mains expressives circulent à grands gestes devant ses toiles faites de couleurs vives, de visages et de corps en mouvement, malléables et ductiles. Il y a du Gréco chez Garouste.
BIO-BIBLIOGRAPHIE
Roger Aïm, ingénieur et auteur, passionné de littérature et de poésie, fervent admirateur de l’œuvre de Julien Gracq, consacre désormais son temps à l’écriture.
Biographies
Filippo Brunelleschi, Le Dôme de Florence, paradigme du projet,
Hermann, 2010.
Julien Gracq, 3 rue du Grenier à Sel, Portaparole, 2012.
Julien Gracq, L’ultimo dei classici, Portaparole, 2014.
Aloysius Bertrand – Epopée de son grand oeuvre : Gaspard de la nuit, Du Lérot, éditeur, 2014.
Emmanuel Kant – Une vie à Königsberg, Christian Pirot, 2018.
Romans
Un jour entre les autres, Portaparole, 2011.
En dehors des jours, Domens, 2018.
Poésies
Cent petits écrits, Portaparole, 2014.
L’heure cachée, Portaparole, 2016.
Écrits de l’instant, Domens, 2019.
Dehors ne veut plus de nous, Domens, 2020.
Récit
Julien Gracq – Jour d’octobre, Christian Pirot, 2016.
Essai
Histoire d’un refus – Julien Gracq, prix Goncourt 1951, La Simarre, 2020.