
Poemas de Un abismo que no se canta, Ed. Lastura, 2024
Traduction par Miguel Ángel Real
No me toco cuando escribo
soy una zarza un puercoespín
toda astillas de la fractura
una planta carnívora
con las trampas por fuera
No termino cuando acabo
los aguijones las crines
las esquirlas los dientes
quedan ahí, a la retaguardia
de mis palabras
como un ejército de mi conciencia
Je ne me touche pas quand j’écris
je suis une ronce un porc-épic
tous les éclats de la fracture
une plante carnivore
avec les pièges à l’extérieur
Je n’ai pas terminé quand j’ai fini
les piqûres les crinières
les échardes les dents
restent là, à l’arrière
de mes mots
comme une armée de ma conscience
***
En la garganta
un muro de silencio.
Un recuerdo es un alud.
Me resquebrajo y cae
peñasco a peñasco lo no dicho.
Lo no dicho.
La montaña vencida revienta
la boca de nadas insumisas.
La tristeza me ahueca.
Hace en mí espacio
para alojar la ausencia.
Tan ligera yo,
así de llena de ti sin ti,
como la palabra adiós.
Dans la gorge
un mur de silence.
Un souvenir est une avalanche.
Je me craquèle et le non-dit
tombe pierre par pierre.
Le non-dit.
La montagne vaincue éclate
la bouche des néants insoumis.
La tristesse me creuse.
Elle fait de la place en moi
pour accueillir l’absence.
Je suis si légère,
aussi pleine de toi sans toi,
que le mot au revoir.
***
Todos duermen. Yo no puedo.
En la terraza fumo. Es un barco.
La ciudad dormida, mar tranquilo.
Las luces en algunas ventanas
son faros. Me siento costa y abismo.
Tal vez alguna otra mujer
que no duerme en un faro piensa
que tal vez una mujer fuma en su terraza
porque tampoco puede dormir.
Alumbra y guía desde su faro
a esta mujer costa y abismo
en mi terraza. Me basta su luz
para no estar sola. Mañana tal vez
yo sea el faro y ella escriba esto.
Dejaré dispuestas mis velas.
Tout le monde dort. Moi, je ne peux pas.
Sur la terrasse, je fume. C’est un bateau.
La ville endormie, la mer calme.
Les lumières à certaines fenêtres
sont des phares. Je me sens rivage et abîme.
Peut-être qu’une autre femme
qui ne dort pas dans un phare pense
que peut-être une femme fume sur sa terrasse
parce qu’elle ne peut pas dormir non plus.
Elle brille et guide depuis son phare
cette femme rivage et abîme
sur ma terrasse. Sa lumière me suffit
pour ne pas être seule. Demain peut-être
je serai le phare et elle écrira ceci.
Mes voiles seront prêtes.
***
ANDREA MAZAS (Salamanque, Espagne, 1981) est diplômée en communication audiovisuelle ainsi qu’éditrice et correctrice professionnelle. Elle a participé à plusieurs publications collectives, telles que Punto de Partida (UNAM, 2010 ; sélection de Ben Clark); Qué será ser tú. Antología de poesía por la igualdad (Université de Séville, 2018 ; sélection d’Ana Pérez Cañamares et María Ángeles Maeso) et Insumisas. Poesía crítica contemporánea de mujeres (Baile del Sol, 2019 ; sélection d’Alberto García Teresa), parmi d’autres. En 2010, elle a coédité avec Marta Viera Adán y Eva, de Jaime Sabines (Ediciones Mar Futura), et en 2017, elle a publié Mi columna vertebral (Baile del Sol). Un abismo que no se canta est son deuxième livre.