Poèmes de Intervalo (Libros del aire, 2019). Prix de poésie José Luis Hidalgo 2018
Traduction par Miguel Ángel Real
AUTOPSIA DEL DIA
El cangrejo, en sus manos, agoniza
casi azul y minúsculo.
Una línea imperfecta deletrea,
esta mañana azul, el horizonte.
Mi rostro se refleja en la mampara
del paseo marítimo.
El pájaro en su jaula ignora el cielo.
A nadie le conmueve una maceta
que ha caído en la acera.
Unas monedas suenan en mi mano.
Toda la playa en calma,
tan vacía, pese a ser viernes.
El sol se despereza sin llegar a tocarnos.
Si dejáramos sobre las rocas al cangrejo,
quizá las olas
lo engullirían en seguida.
AUTOPSIE DU JOUR
Le crabe, sur ses mains, agonise
presque bleu et minuscule.
Une ligne imparfaite épelle,
ce matin bleu, l’horizon.
Mon visage se reflète dans la vitre
de la promenade en bord de mer.
L’oiseau dans sa cage ignore le ciel.
Personne ne s’émeut d’un pot de fleurs
tombé sur le trottoir.
Quelques pièces de monnaie tintent dans ma main.
Toute la plage est calme,
si vide, alors qu’on est vendredi.
Le soleil se réveille sans parvenir à nous toucher.
Si nous laissions le crabe sur les rochers,
peut-être que les vagues
l’engloutiraient en un instant.
****
ANCLA
En la mañana entera
sujeto un vaso
con una forma de gas, rombo o nube.
Hay pasillos, sí, que desencadenan
la geografía de la noche,
sus porqués y su adónde sepultando
la cotidianidad.
En la paleta del otoño faltan colores.
No importa el vagón ni las circunstancias.
El desorden no es culpa de sus manos.
No me hace falta su perfume
a todas horas.
Este espacio me ata, me subyuga,
invento y siembra,
falso racor que me une a sus pestañas
con instinto de estrella.
La extrañeza devora
la realidad
mientras soy lo posible.
ANCRE
Dans la matinée entière
je tiens un verre
avec une forme de gaz, de losange ou de nuage.
Il y a des couloirs, oui, qui déclenchent
la géographie de la nuit,
ses pourquoi et son comment, enterrant le
quotidien.
La palette de l’automne manque de couleurs.
Peu importent le wagon ou les circonstances.
Le désordre n’est pas le fait de ses mains.
Je n’ai pas besoin de son parfum
à toute heure.
Cet espace me lie, me subjugue,
j ‘invente et il sème,
un faux raccord qui me lie à ses cils
à l’instinct d’étoile.
L’étrangeté dévore
la réalité
tandis que je suis ce qui est possible.
****
EDAD
No reconozco mi actual rostro.
Ardió a lo bonzo hace mucho tiempo.
Me he adueñado del aire.
Proeza que ha anulado el gesto
de huir tan lentamente hacia dentro.
Hierve la luz diamante
de mi momento,
de tantos días repetidos,
destejiendo intervalos, uno a uno,
hasta ser la pantalla de un invento.
Hoy, al caminar tras la siesta,
sentí la hierba acariciar mi mano,
el ultraje de un biombo
rodeándome sin cómo ni por qué.
Lo he entendido enseguida:
todos mis pasos retroceden vida.
ÂGE
Je ne reconnais pas mon visage actuel.
Il a brûlé comme un bonze il y a longtemps.
Je me suis emparé de l’air.
Un exploit qui a annulé le geste
de fuir si lentement vers l’intérieur.
Elle bouillonne la lumière diamantée
de mon instant,
de tant de jours répétés,
tissant des intervalles, un à un,
jusqu’à ce qu’elle devienne l’écran d’une invention.
Aujourd’hui, me promenant après ma sieste,
j’ai senti l’herbe caresser ma main,
l’outrance d’un paravent
qui m’entourait sans comment ni pourquoi.
Je l’ai compris tout de suite :
tous mes pas font reculer la vie.
***
RICARDO VIRTANEN (Madrid, 1964). Professeur, critique littéraire, poète, aphoriste, peintre et musicien. Docteur ès Philologie Hispanique en 2007 avec la thèse La experiencia vanguardista de Guillermo de Torre. Il a été professeur à l’Université Complutense de Madrid et à l’Université de Tolède, Faculté d’Education. Il a publié en 1999 le livre de linguistique Lengua resuelta (1999), et parmi ses travaux critiques on peut citer Hitos y señas. Antología de la poesía española (1966-1996) (2001), De tu tierra. La poesía manchega de entre siglos (2015), Vestuario de almas. Antología del epitafio español del siglo XX (2015) y Almanaque 1935 (2015); ainsi que les éditions de Carpe amorem, d’Aurora Luque, Con la cal en los dedos, de Pilar Blanco; Haikus completos, de Luis Alberto de Cuenca; Sin por qué (Poesía esencial 1970-2018) (2020), de José Corredor-Matheos, El triunfo de estar vivo. Poesía 1996-2012, de Luis Alberto de Cuenca, et Belcebú y otras novelas cortas (2015), de E. Pardo Bazán. Il a publié les recueils de poésie Notas a pie de página (2005), Epitafios (2005), Intervalo (2019), (Prix José Luis Hidalgo) et Veinte disparos canallas (2020); et les livres d’haikus La sed provocadora (2006), Sol de hogueras(2010), Nieve sobre nieve (2017), Llama de luna (2021) et Hilo de lluvia (2024). Il est l’auteur du journal Cuaderno de interior (2013) et dur roman Ardiendo bajo el agua (2022). En tant qu’aphoriste, il a publié Pompas y circunstancias (2008), Laberinto de efectos (2014), El funambulista ciego (2019), Bazar de esquirlas (2019), Interruptores (avec Carmen Canet) (2021) et El vigilante de la luna (2024), ainsi que les anthologies La sonrisa de Nefertiti (2020) et Un instante en el paraíso (2023). Il fait partie des anthologies d’aphoristes Aforismos contantes y sonantes (2016), Verdad y media (2017), Espigas en la era (2020), El cántaro y la fuente (2020), Mil aforismos sobre el amor y otras pasiones (2022), Puntales de la brevedad (2023) et 14 Aforistas 14 (2025), ainsi que de nombreuses anthologies poétiques. Il a été traduit en anglais, français, galicien, italien, portugais et finnois.

