YO te amaba como el río a la nube, como una forma a otra de la misma agua, un agua escindida por un ciclo de inútiles adverbios —aquí y allá, todavía y después— que en el fondo —o en el cielo— nada pueden por romper la unidad de la vida.
Je t'aimais comme la rivière aime le nuage, comme une forme aime une autre de la même eau, une eau divisée par un cycle d'adverbes inutiles -ici et là, encore et plus tard - qui dans le fond - ou dans le ciel - ne peuvent rien faire pour rompre l'unité de la vie.
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TU FRIALDAD
El helor de tus manos es la nieve, mi cuerpo la llanura que la acoge.
La sábana te imita inútilmente pues hablo de frialdad, no de blancura. Desciendes en invierno hasta mi carne: unas pocas caricias harán falta
para que sea, estación honda y nuestra, tórrido verano en la piel desnuda.
TA FROIDEUR
Le froid dans tes mains, c'est de la neige, mon corps la plaine qui l'accueille.
Le drap t'imite inutilement car je parle de froid et non de blancheur. Tu descends en hiver jusqu'à ma chair : il faudra quelques caresses
pour qu'arrive cette saison, profonde et nôtre: l'été torride sur la peau nue.
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PROYECTO PARA EL FIN DE SEMANA
Podemos alquilar dos bicicletas e ir pedaleando hasta Inverness; podemos coger un bote en el lago y allí aguardar que el monstruo nos devore; dormir al raso, luego, si no viene, y contar una a una las estrellas; podemos esperar hasta que el hambre nos coja en la mañana entretejidos; buscar bayas silvestres, buscar besos, el simple desayuno del amor.
Una cosa tan sólo nos lo impide: que no estamos el uno junto al otro, que estamos desgajados, y el espacio como una fosa abierta nos separa. Como un abismo, igual, tal una grieta. Como una herida en medio de nosotros.
PROJET DE WEEK-END
Nous pouvons louer deux vélos et pédaler jusqu'à Inverness ; nous pouvons prendre un bateau sur le loch et attendre que le monstre nous dévore ; dormir à la belle étoile, plus tard, s'il ne vient pas, et compter les étoiles une à une ; nous pouvons attendre que la faim nous surprenne le matin entremêlés ; rechercher de baies sauvages, rechercher des baisers, le petit déjeuner simple de l'amour.
Une seule chose nous en empêche : que nous ne soyons pas l'un à côté de l'autre, que nous sommes déchirés, et que l'espace comme une fosse ouverte nous sépare. Comme un gouffre, comme ça, comme une fissure. comme une blessure au milieu de nous.
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NIEBLA
He visto tu cuerpo en la Isla de Skye. Tu piel era niebla.
¿He visto tu cuerpo? ¿En la Isla de Skye? ¿Tu piel era niebla?
BROUILLARD
J'ai vu ton corps sur l'île de Skye. Ta peau était du brouillard.
J'ai vu ton corps ? Sur l'île de Skye ? Ta peau était du brouillard ?
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ÉIRE
Te lo he dado todo porque no hay nada que tú no me hayas dado.
He olvidado mi lengua para hablar la tuya, ya no sé palpitar con otra música
ni tengo mitos que no sean tus mitos; todos tus condados lindan con mi alma.
Sabes cómo hacerme reir, llorar, morderme los puños de rabia por tu libertad no alcanzada,
a stór, a rúin, a ghrá*, Irlanda.
ÉIRE
Je t'ai tout donné car il n'y a rien que tu ne m'aies donné.
J'ai oublié ma langue pour parler la tienne, je ne sais plus battre sur une autre musique
et je n'ai pas de mythes qui ne soient pas les tiens ; tous tes comtés bordent mon âme.
Tu sais comment me faire rire, me faire pleurer, me mordre les poings de rage pour ta liberté inachevée,
a stór, a rúin, a ghrá*, Irlande.
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*: Mon trésor, mes secrets, mon amour
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Antonio Rivero Taravillo, né en 1963 est un écrivain espagnol.
Il a fait des études de philologie anglaise, de gaélique écossais et d'irlandais. Il a dirigé une librairie anglaise et la Casa del Libro à Séville, y développant une intense activité culturelle. Il a collaboré ou a dirigé de nombreux magazines littéraires andalous et espagnols. Depuis 2017, il est conseiller littéraire de la Foire du livre de Séville et depuis 2021 son coordinateur de la programmation. Il a publié plusieurs livres de voyage, une quinzaine de recueils de poèmes, des essais et mène une intense activité de traduction, publiant une cinquantaine d'ouvrages de poètes anglais, écossais, irlandais. Il a été récompensé par de nombreux prix, dont en 2005 par le Prix andalou de traduction littéraire, en 2011 le prix du Salon du livre de Séville et en 2022 le prix national de poésie I Lara Cantizani-Ville de Lucena.