RÉMANENCE
à l’aube quand sonnera l’heure
de reposer ton livre
ou de signer ton parchemin
apporte-moi les fruits
de ton long chemin
apporte-moi les fleurs
du petit kiosque sur la route
qui mène de ta maison au cimetière marin
que sont-ils devenus
tous ces parfums
tous ces échos
et la mélancolie des passions naufragées ?
que sont-ils devenus tous ces êtres vieillissants
et ces caresses de violoncelles
sous l’acide du temps ?
le silence a déversé ses pétales
au pied des fenêtres bleutées
leur peau fut brûlée par le malheur
leurs parfums leurs échos
tous perdus dans un grand frisson
car que veux-tu il faut t’y faire
nous sommes entrés dans une nouvelle ère
où tout s’est confondu
comme un soupir dans le vent
au bord des falaises de l’oubli
***
ÉVEIL
cesse de retenir ce souffle d’absinthe
qui donne leur force aux voiliers
et leurs yeux d’astres aux miroirs
tu connaîtras alors l’extase impénétrable
du mot juste qui t’attendait
remplace la fureur de silex qui t’anime
par une caresse de mère
sur l’ombilic de la lune
tu commenceras alors à franchir l’écran de poussière
qu’ont dressé tous les échecs devant ton visage
porte au-dessus de toi
ce rayonnement sacré
qui donne au sang et à l’or
leur doux brasillement d’étoiles
alors tu ne seras plus une plage morte
au bord d’un océan de salive amère
alors tu ne disparaîtras plus dans l’éclipse
du temps gâché et des mémoires enfouies
***
PRISME
si ton monde n’était que couleurs
par quelles nuances il passerait
depuis la nuit du cambouis
jusqu’au diamant en fureur
depuis les cuisses laiteuses des femmes
jusqu’aux rêves sanglants des volcans
si ton monde aux miroirs fous de rimes
hébergeait en son faîte incandescent
la source ultime des mots
il brillerait comme un soleil géant
au zénith de tous les dictionnaires
et des académiciens condescendants
si ton monde devait tenir en un seul mot
inscrit au dos des médailles
fondues au creuset des océans
c’est avec joie que je les accrocherais à mes oreilles
au grand regret de la mère de mes enfants
