« En bousculant le langage, dans une certaine mesure on bouscule le monde. » Michel Leiris
Lapidaire, comme adjectif « qui évoque par sa concision et sa vigueur le style des inscriptions sur pierre » et comme substantif « artisan qui taille, polit, grave les pierres précieuses ».
Le terme « nanopoème » est apparu avec les réseaux sociaux et notamment Twitter qui a longtemps limité ses textes à 140 caractères. De nombreux écrivains ont investi cette contrainte comme un nouveau territoire d’expression. L’hashtag twitterrature est apparu, tout comme celui de nanopoésie, nanopoems en anglais. Avec l’allongement des textes sur Twitter, et comme tout effet de mode, ce genre éphémère a disparu. Ajouter à cette contrainte de 140 caractères, un jeu sur le langage poétique à la manière de Michel Leiris dans son « Glossaire J’y serre les glose » et l’on trouve l’essence de mes nanopoèmes, que je rebaptise volontiers « lapidaires » toujours en hommage à Michel Leiris qui a qualifié son recueil d’œuvre « lapidaire ». Dans Frêle bruit, 4e volume de la Règle du jeu, Leiris avait qualifié de « poésie lapidaire » les phrases que les étudiants de mai 1968 écrivirent sur les murs de la Sorbonne, « des adages, dont certains dépassent la saillie graffitesque, le trait piquant ou le mot à l’emporte-pièce, et me comblent, car c’est à des sentences pareillement lapidaires, que, depuis longtemps je voudrais parvenir ». Si on y ajoute des correspondances de sons et de couleurs, on arrive à ces nanopoèmes :
Amitié
Route à double sens. Si voie unique. Arrêt d’urgence.
Avenir
Projection limitée. Fin provisoire. Futur. Réussite. Hypothétique horizon.
Douleur
Onde de choc. Sismique. On s’en moque. Au milieu des larmes.
Doute
Goutte dispersée d’hébétude. Propice à l’abandon de soi. Gerçure à la surface de l’être. Décrépitude.
Éclats
De rire. De verre. De voix. De biscaïen. Vitreux. Cristallins. Adamantins.
Fil
Lien tenu. Perdu sans Ariane. Arrime la pensée. Fibre fine. Suspendu précaire. Soie.
Fatigue artisanale
Jambes enclume. Semelles de plomb. Esprit marteau-piqueur. Pensée asphalte.
Gris
Suie légère. Nuances érotiques. Guernica. Juan ? Temps de chien.
Intervalle
Tension entre deux blancs. Saut ou laps. Latence avec attente.
Lit
Cul sec. A baldaquin. Couche les mots. Endors les rêves. Lecture.
Livre
Employé uberisé. Outil papier. Addiction boulimique. Dessille. Décèle. Descelle.
Noire
Douleur insondable. Profondeur des entrailles. Entaille le corps. Aggrave les failles.
Possible
Éventualité heureuse. Catastrophe à venir. Terrain d’optimisme.
Ré
Re. Rê. Raire en vain. Requiem de Mozart. Recommencer. Une île dans la nuit.
Réa
En roue libre. Irrespirable. Raccourci presque vivant. Tubulaires.
Saxifrage
Tige complexe. Protégée. Candolle et Tournefort. Désespoir de Velly.
Tasse
Récipient sans soucoupe. Avant noyade. Espère l’accalmie. Terre meuble.
Vie
Des parallèles à l’infini. A l’intersection. Improbable. Une rencontre.
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Laurence Fritsch, poète, journaliste de formation, vit près de Paris en France, et s’évade dès qu’elle peut dans les montagnes pyrénéennes. Elle propose une poésie minimaliste : chaque poème est un polaroïd traduisant un état d’âme, la fulgurance de la pensée, et quand elle est cri, l’impossibilité des mots. Son premier recueil « Supplique pour la fin des nuits sans lune » est paru en mai 2023 chez Pierre Turcotte éditeur. Elle a également publié dans des ouvrages collectifs et dans les revues françaises et belges Hélas, Lichen, Margelles, Traversées et Cabaret.
Interviews
Le Littéraire : https://www.lelitteraire.com/?p=93253
Le salon littéraire de l’Internaute : http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/poesie/review/1955888-laurence-fritsch-et-les-mysteres-de-la-nuit
Souffle inédit : https://souffleinedit.com/poesie/je-demande-double-vie-laurence-fritsch
Christophe Condello : https://christophecondello.wordpress.com/2022/07/16/laurence-fritsch/
Clara Regy dans Terre à Ciel : https://www.terreaciel.net/Laurence-Fritsch#.Ys5-opLP1p8
Pour la suivre
Le blog « Poésie, vers et prose » : https://laurencefritsch.wordpress.com/
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