Dedans Dehors
-ça se comprime —
là — au fond de la gorge,
ça se tord, ça se rompt
— le sang pulse, amorce un rythme dans les artères
là —
au-dedans :
ça s’alourdit.
Ça s’alourdit
— à mesure que tu avances,
— À mesure que tu te rapproches
— À chaque pas
Un saisissement
Une suffocation
Là —
Compresse au-dedans, le monde
Pas après pas,
Le flux débite et coule
— Retenue dans le mouvement
— Sens avant comme sens inverse
La parole circule sans passer l’enclos de ta bouche
Ta voix dans un touche à touche étreint les langues devenues étrangères
Dedans plutôt que dehors, rien de visible sur les brèches
Pourtant : séisme
Là,
Va,
Et traverse.
Le temps ne passe plus les bords
Sens et reprises
Aux limites
La peur qui avale
L’océan qui dégorge
Au devant de toi
Va, traverse.
Dehors plus loin que la peau
les sillons s’ouvrent et se referment
Creusent les veines dedans ce qui se froisse
Sous la contraction des muscles
— derrière la tête
ça cogite — pensées à l’envers dans le rhizome de l’imprévu,
ça coule, au-dedans de toi, le débord comme la dérive,
la surtension dans tout ton corps sur le seuil,
galvanise les crevasses, les gouffres de ce que tu as tu ou ce qui t’abîme.
Dedans le monde, derrière les yeux, ce qu’on ne voit plus de ciel circule.
De l’autre côté, derrière toi le vide de ce que tu avales, passée la porte.
Là où la ligne est invisible,
le sillage de ce qui s’ouvre comme de ce qui se remplit,
—en toi la blessure se panse comme elle saigne,
sur le seuil : ça dégorge.
là —
au-dedans.
Pourtant : Le feu jaillit, embrase l’étincelle du dedans/dehors
Il te faut reprendre corps
Au dehors
Au dedans
les frontières tremblent
Hésitent
Derrière toi, la porte d’entrée-sortie et le temps qui se compresse contre toi, contre l’autre — une distance dans la proximité de l’âme, l’intimité des songes que l’on garde pour soi et qui viendront noyer sous la pluie du jour, la nacre du printemps.
La nuit pour seule croyance, limitrophe aux indolences comme aux pardons,
tu franchis le seuil dans une apparition,
Le dehors comme le dedans n’existent plus,
Au-delà de ton pas.
***
Karen Cayrat est née en Lorraine, dans l’est de la France où elle réside encore aujourd’hui.
Traductrice/interprète, ses langues de travail comprennent l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Elle s’intéresse, en outre, à la littérature numérique.
Fondatrice et directrice de publication de Pro/p(r)ose Magazine, revue littéraire et culturelle en ligne, publiée le dernier dimanche tous les deux mois, Karen Cayrat, pratique l’écriture en sous- marin depuis de
nombreuses années. Cultivant les pas de côté comme la rage d’exister, ses productions naviguent entre approches expérimentale, poétique, et engagée. Quêtant l’aurore du monde et des êtres, ses créations embrassent des thèmes multiples parmi lesquels se distinguent plusieurs constantes (identité, mémoire, langage, figure de l’écrivain…).
Certains de ses textes et poèmes ont été publiés dans des revues nationales et internationales, au format papier et numérique (Revue Labyrinthe[s, Le Cafard hérétique, La Variation, Hurle-Vent, Lettres d’hivernage, Cavale : arts et littératures en mouvement, Lichen, Traction-Brabant, La Page Blanche, Poésie Mag, L’Air de Rien, Revue Fragile, Hélas!, Pojar, Revista Kametsa, Libreroamérica, FMR, Orientales…).
En 2022, une de ses productions, Osmose, obtient le « Prix coup de cœur du jury » dans le cadre du concours d’écriture organisé par le Louvre-Lens à l’occasion des 10 ans de la structure (aux côtés d’un texte de Nicolas Perez) pour la qualité et l’originalité intrinsèques à son écriture.
Plusieurs de ses créations ont été diffusées sur les ondes de podcasts ou initiatives (comme Mange tes mots, à marée vague…) accompagnées de musiques de sa composition.
Karen Cayrat produit et anime également Entre les vagues / Between the Waves, un podcast de lecture bilingue (FR /EN) mêlant son amour des mots et des flots tandis que d’autres expériences se découvrent
dans l’espace de son site-atelier Dérivations, zone de hors-confort, laboratoire instable et clandestin. Un espace fluctuant entre écriture créative et écriture sans écriture.