Léo Fouquey

Extraits de Fabrication du garçon (éditions Abordo)


la joie

un fluide un serpentin
fait le tour de mon ventre

il veut séduire mes bras
caresser mes oreilles

il entre par ma bouche
et sort par mon nombril

ma cordelette
est sexy
et belle
comme le feu

elle me blanchit
et m’enroule

elle est un geste
très désiré
un délire
rigoureux

elle me fascine

******

hiver

elle coule
la larme

le cœur de sel
suinte

la boule
roule

la lune est ronde

j’avale
la pluie

le ciel
se noie

comme un sanglot

******


le Nombre


les boucles du fantasme
roulent
se déroulent

inaccessibles
nuages au ciel

d’en bas les regarder
languir
se consumer

ah les briser
les tordre les brûler

sur leurs ruines fumantes
comme un champ de bataille
les corps frottés
raclés

les étreintes forcées
comptées

la tyrannie du Nombre
s’essouffle avec le temps

et le corps se repose
le cœur se recompose

*****

la langue du sexe


avant l’anglais
les mâles adolescents
parlent l’inique langue du cul

grosse bite foutre et baiser

c’est une langue qui claque
et qu’à l’impératif
il leur faut conjuguer

suce-moi branle-moi
combien de fois ?
ne parle pas la bouche pleine

j’écoute et j’obéis
répétait Schéhérazade

et comme elle j’écoutais
aussi j’obéissais

j’inventais dans ma tête
des contes ahurissants

il fallait dire des trucs
vraiment dingues vraiment

ça n’a jamais marché

le soir je m’attendais
à voir ma tête tranchée

je suis vraiment idiot
Schéhérazade que puis-faire

le mâle est dur
et casse
la fille et le pédé

la mille et unième nuit
un homme nimbé de fleurs
vint me baiser la joue
le reste puis le cou

il me dit un poème

cette nuit j’oubliai
l’inique langue du cul

depuis j’écoute encore
mais je n’obéis plus
ses mots ses fleurs m’apprirent


l’exquise langue du sexe

***

Léo Fouquey est né à Paris en 1995. Il aime à travailler ce lieu de l’intime où peut résonner l’écho du réel, à trouver cet endroit de l’intériorité où l’autre peut se loger.  Il publie également des critiques de théâtre pour la revue Nonfiction.