L’illusoire
La neutre odeur de la mort s’exhale
De l’encensoir agité de la vie,
L’encensoir de la vie se balance
Par les doigts invisibles de la mort.
La mort se répand et la vie recule :
L’une répond à l’autre
L’autre renvoie à l’une
Et cela toujours d’un rythme
Constant, continuel et soutenu.
*
Vivants que nous sommes et morts que nous serons
Nous nous cramponnons à la barrière du réel environnant
Et ne nous lassons point de méditer le vide qui nous attend,
Son omniprésence nous fait tressaillir, nous épie et nous emplie
De la frayeur irréductible que sa quiétude imposante engendre,
Hélas qu’au rebours de notre vie
C’est ce mirage que nous ne pouvons
Ni contourner ni traverser
Tant que nous resterons en vie.
*
De retour au sein de nos chimères,
Nous y suçons donc le lait de nos illusions,
Nous suçons et buvons en nous persuadant
Que ce liquide interminable n’est qu’illusoire
Comme le sein d’ailleurs et les chimères
Ou les buveurs infatigables que nous sommes
Nous les pseudo-vivants avec nos illusions transitoires.
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Une page arrachée du livre de la vie
Comme l’aigrette détachée d’un pissenlit
Désenchantant l’arrogance de ta connaissance,
Légère est la page de la vie,
– Pourtant, elle ne tourne pas.
Sa légèreté d’à première vue
N’est qu’un trompe-l’œil constant :
Ô poussière pensante !
Concentre-toi davantage
Sur chacune de tes expirations brèves,
Qu’en sentiras-tu ?
Marécages puants
Mers mortes
Champs de coton incendiés
Jusqu’à la perte de vue
Et les ossements de morts d’une épaisseur
Extrêmement inimaginable.
Pourtant, tout cela est bien réel,
Tout cela semble bien imaginable.
Oui oui, tu n’es qu’une bulle qui nie
À travers l’univers infini
Le délai de son agonie.
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Éloge du persan
M’est le persan
La parole de personne
Qui me pousse
À redevenir
Tous.
M’est le persan
Les spasmes d’un sperme
Couvert d’un suaire,
Sperme dont les gouttes de sueur
Montent au front informe faiblement éclairé
Par une cascade de fines et fuyantes lumières
Perçant l’épaisseur des ténèbres concomitantes.
M’est le persan
La lueur d’un vagin devenu
Bouche composant et main racontant
Les vagissements d’un faux défunt
Venus du fond d’une tombe béante
Où demeurera irrévocablement
L’irrecevable.
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Nader Hooshmand
Écrivain bilingue et titulaire d’un doctorat en philosophie à l’Université Paris-Cité, Nader Hooshmand vit
à Téhéran. Il a déjà publié un roman en persan (Ur-Arsalan, Téhéran : Éditions Kian Afraz, 2016) ainsi
qu’un poème et une nouvelle en français (« Du fond de mon fiasco », Le Coquelicot Revue, 28 juin 2018
et « Une visite spectrale », Nouvelles choisies, volume 3, Paris : Éditions Nouvelles, 2020). Il a également
participé, entre mai 2021 et août 2022, à l’hebdomadaire Hamedannameh en y publiant une trentaine de
nouvelles, de fragments et de poèmes en prose, rédigés en persan.