
Photographie : A. Rivière Kéraval
Avec nos os marmailles
Puisons la merveille
Éprouvons nos joies
Émettons nos rires
Faisons bande de fréquence
Fusionnons nos silences
Hissons-nous mélopées
Nous sommes jours et nuits entremêlés
Automne aux estivants
Arrière-pays d’hiver à l’haleine de bourgeons
Renaissons cosmos aux ventres des violettes
Fabriquons-nous délicatesse plus que de mépris
Fabriquons-nous autant que nous pouvons
Partons en quête d’aucune quête
Filons les pleines lunes
Filons les loups
Filons les rivières
Nos battements de cœur en monture
Faisons un monde d’une chute de neige :
République de flocons
Confédération des givres
Ou mieux : habitons la neige sans autre contrainte
L’étreinte des flocons plus belle qu’un hymne
Aucune gloire, aucun récit fondateur, aucun monument aux mornes
Le souffle du vent ne nous appartient pas
Il souffle sur nous seulement souffle
Habitons-nous
Portes-peaux de la fuite du vent
Cavale de douceur
Tendresse en estime
Devenons une joie occulte
Et plus belle qu’un fantôme cousu d’éternité
Soyons la trace que nous laissons
Et fière de s’ensevelir
Toute l’atmosphère en nous
Soyons les fosses où les cieux se reposent
Soyons le bout du doigt comète
La traverse des hautes herbes
La pagaille en nos chaires
Qui se réclament d’amour
Blottissons nos errances
Tâchons d’avoir toujours en nous de si jolis nous-mêmes
Avec nos os marmailles
Et notre fièvre en temple
Et nos yeux mille feux
Et nos langues humaines
Qui s’attardent à la Lande
Qui s’attèlent à l’élan
De nos éclats d’urgence
Nos fougues poussent sur les plis de nos peaux
En nous qui sommes là
Sublime d’un rien
D’un rien sublime
***
Des milliers de milliers de milliers
J’ai des milliers de milliers de milliers de siècles
La peau aride et sèche
de milliers de milliers de milliers de …
Canyons sur ma joie
Vautours croquent la peau morte
Tatouée de cactus
Je m’en vais dormir en désert
En milliers de milliers de milliers de
Poussières
Qui aurait cru qu’il suffisait
D’un seul nuage en pleurs
Pour m’apporter des fleurs ?
Des milliers de milliers de milliers de …
Fleurs
***
Gouttes de sueurs sur les chaussures
Goutte de sueurs sur mes chaussures
L’abribus est une cascade ce matin
Et je regarde encore la pluie dégouliner de l’aubette
Comme elle s’est glissée sur mon front
Mille fois
Dans la répétition incessante
Du geste
Encore
Mille fois
Le même geste
Le bout de mon doigt est un monde à part entière
Il raconte une histoire
Chaque pli de la peau
Chaque nervure de main
Aussi sincère que la cascade se revendiquent de pluie
Les gouttes ne se vantent pas d’avoir été flamme
Et mon corps possédé par le geste
Danse
Danse encore
Danse le geste juste
Qu’est ce qui fait que de l’autre côté de la rue
Je ne suis pas qu’une ombre gesticulante
Sur l’asphalte gris du matin ?
Qu’est ce qui fait vérité ?
Et mon corps est flamme
Enveloppe de brasier
Je veux le geste juste
Et répéter mille fois
J’aurai donné des nuits et sacrifié des vies
Au deuil des possibles
J’ai donné aux heures dilettantes
Des matins plus tranquilles
Des siècles de paresses
Pour un seul geste juste
Et dire aux émotions
Mon corps est une maison
Habitez-moi
Pour mille ans
Et quand je ne sentirai plus
Qu’un désert en ma chaire
Hantez-moi à nouveau
Rappeler moi la cascade sous l’aubette
Ce geste juste convoité
Comme le potier modèle cent fois l’argile
Avec la matière de son cœur
Je suis un vase derviche
Décoré par la fougue
Rappelez-moi l’œil du passant
De l’autre côté de la rue
Quand mon ombre en extase
Parlait avec l’asphalte
De cette histoire
D’un geste répété mille fois
*****

Tour à tour conteur, auteur, comédien, poète ou slameur, Raphaël Reuche se rêve avant tout en tour opérateur de poésie. Auteur Interprète, il écrit jusqu’à présent pour porter ses textes à la scène (auteur de plusieurs spectacles Contes/Poésie/théâtre). Et depuis peu, il travaille sur l’écriture de son premier recueil de poésie.
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