Gaëtan Lecoq

Photographie : A. Rivière Kéraval

3 poèmes tirés d’un recueil inédit : « Au hasard des rivières »

L’aube du jour suivant


Voici l’aube du jour suivant et ses secrets de mille lunes ; voici l’étoile du matin qui
s’arrime à la brise nouvelle et guide nos paupières. Un long coton de brume se glisse aux
murs des maisons, il donne à l’aurore bleutée l’illusion de sa jeunesse, de son brillant de
feu. Les jeunes feuilles chantent aux dômes des peupliers : premières paroles murmurées,
tout premier cri de branche. C’est le temps de ta peau aux caresses frôlées, le temps des
chuchotements, des projets et des confidences.
Que dirais-tu d’aller là-bas nous asseoir un instant au bord de l’océan et regarder
l’été ? Que dirais-tu de vivre sans colère ni regrets, sans orage et sans haine ? Marcher au
sommet de nos vies sans les cris de l’hiver ? Que dirais-tu de lier nos mains aux flambées
de nos cœurs ? De dessiner nos nuits sur les rivages ? D’apprivoiser l’automne ?
Mais ce n’est qu’un matin nouveau et, malgré l’aube neuve qui poursuit sa tournée des
pendules, les rêves restent des rêves, les paroles s’envolent. Voici venu le jour suivant.

Vivre


Nous avons chuchoté très longtemps dans la nuit, invoqué l’amertume et ses nuances
bleues et brunes, laissé parfois le tic-tac de l’horloge rythmer le silence et nos cœurs
enfiévrés. La pénombre nous arrangeait bien. Dans un souffle, nous avons énuméré : nos
joies sous la pluie, les mains partagées, la gaieté pour les dimanches et les jeudis.
Ce matin, tu m’avoues ton ardeur pour la peau, la salive et nos reins, les caresses-
douceurs à l’orée des frissons. Pour moi, chaque minute offerte à nos rencontres
m’enchante et chaque éclat de ton rire s’inscrit dans ma mémoire.
Dans un murmure qui durera ce que dure un matin d’éternité, nous évoquerons la
grâce, les longues soirées de brume, chaque nuit sur l’océan à écouter les flots, la place
offerte aux amis, à la main tendue, aux visages croisés au creux de la foule, à l’éclipse
infinie du temps.
Sache-le : tout ce sang qui à mes tempes bat me donne à aimer et à vivre.

Dialogue


Je te dis : Lumière ou Le vent dans tes cheveux.
Tu me dis : Nos lèvres.
Je te dis : L’instant qui vient.
Tu me dis : Souffrance.
Je te dis : L’absence et Le feu des blessures.
Tu me dis : Je suis bien.
Et le jour se ranime aux chemins d’évidence, aux battements des cils, à ta main sur ma
joue, quand s’éclipse l’aurore.
Tu me dis : Demain ?
Je te dis : Aujourd’hui ! 
Je te dis : La douceur et Le puits de nos rires.
Tu me dis : Tout me va.
Je te dis : Y crois-tu ? 
Tu me dis : N’aie pas froid.
Au sommet des saisons, s’éveille une clarté. Elle puise sa puissance aux nuits de nos
atours, à l’aube des mémoires. Fragile et rayonnant, notre destin s’écrit à l’instant de nos
mains.

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