Regarder les nuages
faire des volutes
dans la tasse du ciel
son bleu chaud
formant une petite peau
à la surface de l’œil
*
Tendre la langue et sentir
les grains de sel ruisseler dans la bouche
des syllabes grosses comme les galets
de la plage de Banyuls
choquer nos mentons
grêler le mouillé du maillot
Sous le soleil, cela fait comme
une caresse chaude et lourde
désagréable et douce
*
Allongée sur la serviette
faire glisser entre ses doigts
des lettres
qui forment
des mots
qui forment
des pyramides muettes
des cairns instables
qui attirent
à peine
le regard de garçons désinvoltes
torse bombé, tongs aux pieds
louvoyant entre les phrases
liquides
de filles à demi nues
*
et le ciel comme une main
console la morsure du soleil
d’un brun vif et sauvage
entre les marques du maillot
*
nous serions
côte à côte
entassés
comme mille bouteilles jetées à la mer
nos petites douleurs, nos petits bonheurs
flottant au fil des vagues
attendant l’enfant curieux
qui arracherait
d’un coup de dents le bouchon
que giclent sur ses lèvres
et ses mains
nos encres mêlées d’algues
Murièle Modély – août 2022
Murièle Modély est née à Saint-Denis, à l’île de la Réunion et vit maintenant à Toulouse. Bibliothécaire de profession, elle commence à explorer l’écriture poétique sur son blog (www.l-oeil-bande.blogspot.fr.) avant de participer à des revues telles que Nouveaux Délits, Les tas de mots, Poème sale, Microbe, ou encore Traction Brabant. Elle a écrit sept recueils à ce jour, le dernier « User le bleu suivi de Sous la peau » ( prix Amélie Murat 2021) a été publié aux éditions Aux Cailloux des chemins.