Carmen Palomo Pinel (Espagne)



Traduction : Miguel Ángel Real





Madre, no hablemos más sobre lo conocido.
Es hora ya de hablar sobre lo que ignoramos; es lo único
que puede rescatar esta hora única
(tu cuerpo del derrumbe).
Pronunciar una palabra oblicua,
sesgar la voz
sesgadamente. Fotografiar
el centro de perfil.
Mirar, callar después
porque la adoración es también un lenguaje.
Y decir, sí, decir,
pero de otra manera.
Nombrar la nada. Hacerla florecer.



Mère, ne parlons plus de ce que nous connaissons.
Il est grand temps d’évoquer ce que nous ignorons ; c’est la seule chose
qui puisse sauver cette heure unique
(ton corps qui s’effondre).
Prononcer un mot oblique,
biaiser la voix
obliquement. Photographier
le centre de profil.
Regarder, se taire ensuite
car l’adoration est aussi un langage.
Et dire, oui, dire,
mais autrement.
Nommer le néant. Le faire fleurir.





***


La verdad de mi ser
no escapa a tus pupilas geminadas :
en ti me he conocido.
Soy una ilusión óptica, soy la felicidad.
Como un fantasma, como todo
lo que se desvanece cuando lo contemplamos,
como la nieve
soy todo lo que al tacto se deshace.



La vérité de mon être
n’échappe pas à tes pupilles jumelées :
en toi je me suis connue.
Je suis une illusion d’optique, je suis le bonheur.
Comme un fantôme, comme tout
ce qui s’efface quand on le contemple,
comme la neige
je suis tout ce qui fond au toucher.


De Madre de Cenizas, Ed. Gravitaciones 2021


***


Aprendo de esas cosas
que han conseguido hablar de otra manera
y llevan su hermosura en el morir:
la música,
la rosa,
su existencia exhalada,
su entregarse al aire o al sentido,
su devanarse eléctrico.
El silencio,
su extinguirse en favor de la palabra.
Cómo en darse se pierden.
Aprendo de la nieve y su madeja
de lana en el jersey del tiempo
esa sabiduría
de las cosas que mueren deshaciéndose,
de las cosas que viven desnaciéndose.
La belleza precisa de la quiebra;
es su zarpazo:
su impecable factura,
su impecable
fractura.



J’apprends de ces choses
qui ont réussi à parler différemment
et qui portent leur beauté dans leur mort :
la musique,
la rose,
leur existence exhalée,
leur abandon à l’air ou au sens,
leur enroulement électrique.
Le silence,
son extinction au profit de la parole.
Comment ils se perdent en se donnant.
J’apprends de la neige et de sa pelote
de laine dans le pull-over du temps
cette sagesse
des choses qui meurent en se défaisant,
des choses qui vivent en dé-naîssant.
La beauté précise de la faillite ;
c’est leur griffe :
leur impeccable facture,
leur impeccable
fracture.



De Un silencio habitado, Diputación de Salamanca 2021






***



Voy a cantar a las cosas truncadas,
celebraré por lo que no germina.
Digo lo eterno en lo que no perdura.

Solo lo inacabado permanece, dime qué amor
no es canto interrumpido
empeñándose en la reanudación,
batiéndose por su augural destino:
el de siempre volver. Tú
no te acabes nunca. Ser concluso
es morir, pues desconoce
amor el hasta aquí y el basta.

Paraíso que es un ir haciéndose,
júbilo de dejar un mundo
a medias:
la noche del amor es, sobre todo,
la noche de antes
del amor.




Je chanterai les choses écourtées,
je célébrerai ce qui ne germe pas.
Je dis l’éternel dans ce qui ne dure pas.

Seul l’inachevé demeure, dis-moi quel amour
n’est pas une chanson interrompue
s’efforçant de reprendre,
luttant pour son destin augural :
celui de toujours revenir. Toi,
ne finis jamais. Avoir fini
c’est mourir, car l’amour
ne connaît ni le pas plus loin ni le ça suffit.

Paradis qui est un devenir,
joie de quitter un monde
à moitié achevé :
la nuit de l’amour est avant tout
la nuit d’avant
l’amour
.


De En tu espalda el desierto, Diputación de Soria 2023



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Carmen Palomo Pinel (Madrid, 1980) est titulaire d’un doctorat avec prix extraordinaire en droit romain, matière qu’elle enseigne à l’université CEU San Pablo de Madrid. Elle combine son travail de recherche et d’enseignement avec l’écriture de poèmes.
Elle a publié les livres Glosas al fuego (Hebel, 2016, édition bilingue espagnol-italien, I Prix international de poésie « Francisco de Aldana ») ; Las costuras del hambre (Esdrújula Ediciones, 2019, II Prix Esdrújula) ; Un silencio habitado (Diputación de Salamanca, 2021, finaliste du VIIIe Prix International de Poésie  » Pilar Fernández Labrador « ), DIDO (Universidad Popular José Hierro, 2021, XXXII Prix National de poésie José Hierro), Madre de cenizas (Gravitaciones, 2022, I Prix de poésie « Gravitaciones »), En tu espalda el desierto, (Diputación de Soria, 2023, XLI Prix Leonor de Poésie). En 2023, elle remporte le prix international de poésie « Ciutat de València – Juan Gil-Albert » pour son livre Ser mirada (Pre-Textos, 2024). En 2024, elle a été finaliste du prix Jaime Gil de Biedma pour son œuvre Ramas de mirto en la ciudad eterna (Visor, 2024).
En outre, sa poésie a été récompensée par d’autres prix et récompenses. Des extraits de ses œuvres sont publiés dans diverses revues et anthologies.

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