
Photographie : A. Rivière Kéraval
Entre les pierres
À quatre pas d’ici, murmure entre les pierres, épanouie et claire, amoureuse déjà ; glisse dans les armoises, s’enjolive et grandit à l’orée de nos jours ; puis en fringant ruisseau prend peu à peu ses aises ; volontaire déborde, inonde marécages ; vire cossue rivière, fière de ses flots ; pourtant sur la colline, toujours entre les pierres, le murmure s’épuise. À trop vouloir s’offrir la source à pas comptés tire sa révérence.
Matin de lune
Sous son voile de bruine, la forêt se ranime, attise de ses larmes l’éveil des animaux. Des craquements chahutent les peupliers immenses qui en leurs branches bruissent des secrets de la nuit. Du bout des doigts, j’effleure chaque flamme effeuillée pleurant sur la clairière leur ultime couleur. C’est un matin de lune en sa brise d’automne où chaque être se cache au dos des plus grands chênes. Dans l’humus mes pas sont autant de questions à la forêt qui vibre.
Un silence de terre grasse me répond ; il gagne les branchages immobiles et, à lui seul, annonce le prochain tremblement de l’hiver.
Chemin Côtier
À chaque chemin sa perte, à chaque pas son trouble.
Me reviennent, une à une, les frontières profanées sur le fil tendu d’un violon douloureux qui crisse jusqu’à mon cœur en un galop de chevaux inquiets. Au front perle la sueur et, sous la gorge nouée, le frémissement du corps vaincu se mêle à la bruyère. La voie lactée a beau ouvrir sa plénitude et lancer sa lueur blême sur le sentier nocturne, mon pas se fait murmure au vertige de la falaise.
Où irai-je ainsi, entre brume et brûlure, étourdi de rochers au vide précipité, quand éclatent les vagues sous le chemin côtier ?
(poèmes tirés d’un recueil inédit : « Au hasard des rivières »)