HERIDA, HERIDAS, HERIDA
Herida, heridas, herida,
tiro de la raíz y no se acaba,
ciénaga empecinada y ciega.
En este río cimbreante,
en este cauce de agua insondable,
es donde bebo y me veo,
donde habréis de mirarme.
Allá, en la otra orilla,
clava el sol su cuchillo manso,
y se quiebra amarilla sobre el agua,
la cintura de un rayo.
Aquí, ensoberbecido, el viento
agita tímpanos y timbales,
aviva el crepitar en mi oído,
aire hecho trizas, ruido y cenizas,
herida, heridas, herida.
BLESSURE, BLESSURES, BLESSURE
Blessure, blessures, blessure,
je tire sur la racine et elle n’a pas de fin,
marécage obstiné et aveugle.
Dans ce fleuve ondulant,
dans ce lit d’eau insondable,
c’est ici que je bois et je me vois,
c’est ici que vous devrez me regarder.
Là-bas, sur l’autre rive,
le soleil enfonce son couteau docile,
et sur l’eau se brise, jaune,
la taille d’un éclair.
Ici, dédaigneux, le vent
secoue les tympans et les timbales,
il ravive le crépitement dans mes oreilles,
air devenu bribes, bruit et cendres,
blessure, blessures, blessure.
**
EN LAS MAÑANAS
En las mañanas, cuando
todo aún es posible, el pan,
el café, el aire sin estrenar,
el olor claro de animal en calma,
tus ojos de cereza, la risa como bálsamo;
salgo de los sueños infames,
de los rumores que solo en mi oído rugen,
salgo y me asomo a la vida
inocente y asombrada.
En las mañanas, manso amor mío,
madrugo para alcanzar, desnuda y deslunada,
la tibieza dulce que vive entre las sábanas
y el sabor áspero de los labios somnolientos.
Llegará la noche,
seguro,
temprano.
LE MATIN
Le matin, quand
tout est encore possible, le pain,
le café, l’air tout neuf,
l’odeur claire d’animal calme,
tes yeux de cerise, ton rire comme un baume ;
je sors des rêves infâmes,
des rumeurs qui rugissent seulement dans mes oreilles,
je sors et je me montre à la vie
innocente et étonnée.
Le matin, mon amour docile,
je me lève tôt pour atteindre, nue et sans lune,
la tiédeur douce qui habite entre les draps
et le goût âpre des lèvres qui somnolent.
La nuit viendra,
à coup sûr,
bientôt.
**
BUENAS NOCHES
En la boca cientos de sombras
claman, conspiran, interrogan,
obsesivamente cuerdas,
colgadas de mis desvelos como ahorcados,
en el quicio del insomnio, desquiciadas,
tejiendo pensamientos rápidos,
como flechas que inoculan su veneno,
pútrido y certero, en la diana del sueño.
Cada pesadilla vívida nos habla con la verdad
críptica y terrible de un jeroglífico.
Cada noche todos mis muertos,
sacan la baraja y montan una timba,
de la tumba al tute: ¿quién puede así dormirse?
BONNE NUIT
Dans la bouche, des centaines d’ombres
implorent, conspirent, interrogent,
avec une raison obsédante,
accrochées à mon éveil, comme des pendus,
à la porte de l’insomnie, emportées,
tissant des pensées rapides,
comme des flèches qui inoculent leur venin
putride et précis, sur la cible du rêve.
Chaque vif cauchemar nous parle avec la vérité
cryptique et terrible d’un hiéroglyphe.
Chaque nuit, tous mes morts
sortent les cartes et bâtissent un tripot,
de la tombe au tarot, qui peut alors dormir ?
De « Boca de niebla », Ed. Bajamar, 2020
Elena Sánchez Rodríguez est poète. Elle est chanteuse et auteure-compositrice. Elle a publié le disque « Al norte, el norte » (Sociedad Fonográfica Asturiana, CBS) et le recueil de poèmes « Boca de niebla ». Elle habite en Espagne, aux Asturies.