Poèmes de La lengua rota, La Bella Varsovia 2019
Traduction par Miguel Ángel Real
Alguien baila en el fondo
de la piscina
de la urbanización abandonada,
abraza a un maniquí
y le dice al oído: esta música
no existe, como tú la luz tampoco
tiene ojos ni boca,
pero mantiene en pie
todo aquello que vemos.
Quelqu’un danse au fond
de la piscine
du lotissement abandonné,
enlace un mannequin
et lui dit à l’oreille : cette musique
n’existe pas, comme toi, la lumière n’a
ni yeux ni bouche non plus,
mais elle fait tenir debout
tout ce que nous voyons.
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El 2 de junio de 2013 muere Grizelda Kristina, la última hablante de la lengua livonia.
El 6 de mayo de 1930 el granjero Wilfred Batty abate de un disparo al último tilacino salvaje de la isla de Tasmania.
Un idioma es un animal que mira y un animal que mira es siempre un mundo entero.
Un dia del año 430 a.C. Zenón escupe su lengua rota sobre la cara del tirano de Elea y ve cómo le resbala la sangre hacia los labios. Piensa que cualquier palabra que pueda decir estará manchada.
Un poema sólo puede ser una mancha. Una mariposa de Rorschach con las alas afiladas.
Un idioma siempre al borde de la extinción.
Le 2 juin 2013, Grizelda Kristina, la dernière personne à parler la langue livonienne, meurt.
Le 6 mai 1930, le fermier Wilfred Batty abat le dernier thylacine sauvage sur l’île de Tasmanie.
Une langue est un animal qui regarde et un animal qui regarde est toujours un monde entier.
Un jour de 430 av. J.-C., Zénon crache sa langue cassée au visage du tyran d’Élée et voit le sang couler jusqu’à ses lèvres. Il pense que tous les mots qu’il pourra prononcer seront entachés.
Un poème ne peut être qu’une tache. Un papillon de Rorschach aux ailes acérées.
Une langue toujours en voie d’extinction.
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En 1610.
En la pequeña edad de hielo.
Galileo contempla los planetas
a través del cristal de un telescopio
mientras Kepler observa cómo cae
un minúsculo copo
de nieve sobre su chaqueta.
Esta es la ley.
El copo tiene seis esquinas.
Los últimos moriscos
abandonan sus casas para siempre.
Hay un eje partiendo en dos el mundo.
Hay nieve dentro del color.
Observa cómo se derrite.
En 1610.
Pendant le petit âge glaciaire.
Galilée regarde les planètes
à travers le verre d’un télescope
tandis que Kepler observe la chute
d’un minuscule flocon
de neige
sur sa veste.
Voici la loi.
Le flocon a six coins.
Les derniers Maures
quittent leurs maisons pour toujours.
Il y a un axe qui sépare le monde en deux.
Il y a de la neige dans la couleur.
Regarde-la fondre.
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Dictaron las preguntas.
Borraron las estrellas
y nos dejaron a merced
de los mapas. Un mundo
traducido. Un verbo
anticipando cada gesto.
Y sin embargo.
Ils ont dicté les questions.
Ils ont effacé les étoiles
et nous ont laissé à la merci
des cartes. Un monde
traduit. Un verbe
anticipant chaque geste.
Et pourtant.
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Una fotografía del paisaje
tras la ventana ocupa
milimétricamente la ventana.
Y eso es cuanto sabemos
de lo que somos.
Une photographie du paysage
derrière la fenêtre occupe
la fenêtre millimètre par millimètre.
Et c’est tout ce que nous savons
de ce que nous sommes.
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Raúl Quinto (Cartagène, Espagne, 1978) est diplômé en Histoire de l’Art à l’Université de Grenade et travaille comme professeur en Almería, ville où il a été corrdonnateur de la Facultad de Poesía José Angel Valente. Il est l’auteur des recueils Grietas (Dauro, 2002; réédité par La Garúa, 2007, avec les Poemas del Cabo de Gata) La piel del Vigilante (DVD Ediciones, 2005, Prix Andalucía Joven de poésie), La flor de la tortura (Renacimiento 2008, Prix Francisco Villaespesa), Ruido Blanco (La bella Varsovia 2012), La lengua rota (La Bella Varsovia 2019), du cahier Sola (La Bella Varsovia 2020) et des livres hybrides Idioteca (El Gaviero, 2010), Yosotros (Caballo de Troya, 2015), Hijo (La bella Varsovia 2017), La canción de NOF 4 (Jekyll & Jill, 2021) et Martinete del Rey Sombra, Jekyll & Jill, 2023, Prix Cálamo, Prix de la Critique 2024).