RAVE
Les fauves exultent :
Pupilles dilatées, lèvres écumantes,
Ils attendent le festin depuis Lundi.
Affamés de frissons et d’intensité,
Âmes béantes, cœurs usés
De s’être tant contenus, tant retenus,
Depuis leurs transes unies,
Ils allument ensemble l’un de ces incendies
Que personne – hormis la fièvre d’un vendredi –
N’aurait su chorégraphier.
Bouches ouvertes, mains tendues,
Ils avalent la nuit entière,
Ensemble, soignent la fièvre
Qu’une semaine de tiédeur a allumé en eux.
Les cœurs communient avec ardeur,
Avides de vibrer enfin,
De se vider avant le matin.
Tapissée de la sueur de ses fidèles,
Habillée des vibrations de leurs prières,
Rouge des néons de la célébration,
Elle veille – hôte et sentinelle,
Refuge et gouffre,
Sur ses enfants qui se cherchent, se perdent ou s’élèvent
Dans le noir de son sein – la rave.
***
INCENDIAIRE
Je t’écris depuis la rive de mes cils,
La rage y sévit depuis des mois.
Pas de sécession, plus de concessions.
Depuis que tu m’as tuée,
La larme rebelle et
La bouche indocile ;
Je ne tais plus rien,
Je tutoie tous mes maux.
Même les pires, je les aligne tous :
Je regarde leur laideur à pleine rétine,
Et je mets le feu.
Je crame tout.
Je les crame tous.
Quand tu m’as tuée j’ai cru
Que tu m’avais condamnée à jamais
Au rang de tombeau de ton immondice.
Mais en réalité depuis que tu l’as fait,
Je suis devenue berceau
De mille et un feux
Si beaux que même l’horreur en a peur.
Alors dis-moi :
Comment c’est
De se faire incendier du regard
Par celle
Qu’on voulait éteindre ?
***
NUIT
NUE
Sous tes yeux,
Les vallées
Creusées par trop d’heures
Passées debout
À avaler la saleté
Froide et dure,
Depuis ce bitume que
Tes genoux meurtris
Ont appris par cœur.
Au-dessus, les larmes
Sans d’autres bras
A qui les confier
Qu’un ciel fatigué
Aujourd’hui encore
Tu l’implores de tenir
Sa promesse rituelle :
Que l’aube triomphe,
Et que la nuit cesse.
Toi qui meurs chaque soir,
Un peu plus fort
De devoir la porter,
Nue.
