Traduction: Miguel Ángel Real
Poèmes de El léxico de las piedras (Ed. Aliar, 2025)
Por eso insisto
No lo sabremos nunca,
amparados como estamos bajo nuestros emblemas,
insistiendo en ser los dueños de las moscas,
poseídos por el orgullo de la plebe.
No sabremos nunca qué seremos.
Pero sabemos que no perdurará nuestro recuerdo
más tiempo del que permanezca escrito
en la corteza de un árbol del más pequeño bosque
ignorado por los hombres de la tribu.
Si salvamos el árbol
salvaremos la huella de los hombres, su mensaje.
Por eso escribo sobre la piedra.
Porque no creo en el hombre.
C’est pourquoi j’insiste
Nous ne le saurons jamais,
protégés comme nous le sommes par nos emblèmes,
insistant pour être les maîtres des mouches,
possédés par l’orgueil de la populace.
Nous ne saurons jamais ce que nous serons.
Mais nous savons que notre mémoire ne durera
que tant qu’elle restera inscrite
sur l’écorce d’un arbre dans la plus petite forêt
ignorée des hommes de la tribu.
Si nous sauvons l’arbre
nous sauverons l’empreinte des hommes, leur message.
C’est pourquoi j’écris sur la pierre.
Parce que je ne crois pas en l’homme.
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Melancolía
No sé en qué lugar del mundo te escondías,
en qué rincón de la sala te hacías hueco
entre los cachivaches viejos de la abuela;
qué dolor, entre todos los dolores, te habitaba.
Pero estabas allí y te sentía latiendo
bajo el pulso constante de la mirada hueca,
definición del marco que ocupaba tu sombra
y tu esqueleto.
Eras azul desde la noche al día, transparente,
virtual, aire celeste entre los recovecos
de la vajilla hermosa de tazas y platillos
para el café que nadie te pedía,
y las sillas desnudas a las que nadie iba para sentarse.
No sé qué hacías allí, pero te busco aún en los escombros
de una memoria herida que quiere recomponer la porcelana
astillada del recuerdo.
En ese viejo retazo de la melancolía.
Mélancolie
Je ne sais pas dans quel endroit du monde tu te cachais,
dans quel coin du salon tu t’es fait une place
parmi les vieux bibelots de grand-mère ;
quelle douleur, parmi toutes les douleurs, t’habitait.
Mais tu étais là et je te sentais battre
sous la pulsation constante du regard creux,
définition du cadre qu’occupait ton ombre
et ton squelette.
Tu étais bleu de la nuit au jour, transparent,
virtuel, air céleste dans les moindres recoins
de la splendide vaisselle de tasses et de soucoupes
pour le café que personne ne te demandait,
et les chaises nues sur lesquelles personne n’allait s’asseoir.
Je ne sais pas ce que tu faisais là, mais je te cherche encore dans les décombres
d’une mémoire blessée qui veut recoller la porcelaine
ébréchée du souvenir.
Dans cette vieille bribe de mélancolie.
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Poèmes de algún día, sobre cualquier invierno (Ed. El mito de publicar, 2025)
Yo soy la del espejo
Hola, yo soy la del espejo, ¿me recuerdas?
Yo llevaba en tu pelo trenzas y lazos de colores
y en tus pies unas sandalias blancas,
y un vestido de blondas y un tocado de encajes,
y en tu boca una sonrisa deslumbrada
ante el cielo que se abría a la mañana.
Escondías estrellas y luciérnagas
bajo las luces sembradas de futuro
que le cambiabas a otras niñas
por otras naderías más tiernas o baratas.
Ocultabas un nirvana y un cosmos dibujado
en el perfil de los montes y los pinos,
y en la cueva común de los fantasmas
que deambulaban a ciegas por las habitaciones.
Yo soy la del espejo, ¿me recuerdas?
hemos dejado atrás algunas estaciones,
hemos visto empañado el cristal por más de una borrasca
y hemos sentido la añoranza de la nieve.
Pero todo ha sucedido tan de prisa,
que me pregunto dónde ha estado escondido el tiempo,
tanto tiempo…
Je suis celle du miroir
Bonjour, je suis celle du miroir, te souviens-tu de moi ?
Je portais dans tes cheveux des tresses et des rubans de couleur
et sur tes pieds des sandales blanches,
et une robe guipure et une coiffe de dentelle,
et sur ta bouche un sourire ébloui
devant le ciel qui s’ouvrait au matin.
Tu cachais des étoiles et des lucioles
sous les lumières semées d’avenir
que tu échangeais à d’autres filles
pour d’autres bagatelles plus tendres ou moins chères.
Tu cachais un nirvana et un cosmos dessiné
dans le profil des montagnes et des pins,
et dans la grotte commune des fantômes
qui erraient à aveugle dans les chambres.
Je suis celle du miroir, te souviens-tu de moi ?
nous avons laissé des saisons derrière nous,
nous avons vu la vitre embuée par plus d’une bourrasque
et nous avons ressenti la nostalgie de la neige.
Mais tout cela est allé si vite,
que je me demande où s’est caché le temps,
tout ce temps…
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Entrega
Os entrego mi vida, mi lugar de trabajo
con todo su desorden, la pared descolgada
de los cuadros sencillos con perfiles de color
plastificados, las fotos escolares de mis hijos
mirando desde ayer, desconfiados ojos
que ignoran para qué servirán los fogonazos.
Ese hostil anagrama de la máquina que deslumbra
apenas has comenzado a dar esos primeros pasos
que te ponen bajo los pies la llama de la cera
que resbala. Os entrego mi sala bien nutrida
de ausencias, bien surtida de libros, ordenada
anarquía de palabras, de nostalgias y sueños.
Un rosario de amores en tapas blandas y duras.
Ensayos y novelas, relatos, poesía,
un amor, cicatrices, Murillos, diccionarios.
Os entrego mi corazón hecho pedazos.
El laberinto de mi amor de cada día.
Dévouement
Je vous remets ma vie, mon lieu de travail
avec tout son désordre, le mur dont on a décroché
des tableaux simples aux profils colorés
plastifiés, les photos d’école de mes enfants,
qui regardent depuis le passé, des yeux méfiants
ignorant à quoi vont servir les flashs.
Cette anagramme hostile de la machine éblouissante
à peine as-tu commencé à faire ces premiers pas
qui mettent sous tes pieds la flamme de la cire
qui glisse. Je vous remets mon salon bien nourri
d’absences, bien garni de livres, anarchie
bien rangée de mots, de nostalgie et d’amour.
anarchie de mots, de nostalgie et de rêves.
Un chapelet d’amours aux couvertures souples et rigides.
Essais et romans, nouvelles, poésie,
un amour, des cicatrices, des Murillo, des dictionnaires.
Je vous remets mon cœur en morceaux.
Le labyrinthe de mon amour quotidien.
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María Dolores Almeyda. Née à Huelva en 1948, elle a dirigé et présenté pendant treize ans l’émission de radio La Inopia, sur Radiópolis, une station sévillane, consacrée à la divulgation littéraire.
Elle est l’auteure des recueils de poésie Versos clandestinos (Padilla libros 2011), La casa como un árbol (Unaria 2013), Pequeños versos furiosos (Lastura, 2016), El valle inacabado (Karima 2017), El sol no arde mejor en primavera (Enkuadres, 2018), Instrucciones para cuando anochezca (Anantes 2019), Entre el cielo y el cieno (Padilla 2019), Apuntes del natural (Lastura 2021) et Desasosiego (La fuente vieja 2023). Elle a également publié trois romans et trois livres de nouvelles.
Elle a participé à l’édition de nouvelles de différents auteurs et on peut retrouver ses vers dans différentes anthologies poétiques. Ses poèmes ont été publiés dans Estación Poesía (Université de Séville), Piedra del molino et dans la revue de poésie de León FAKE.