LA MORT D'UN POÈTE
La mort d'un poète
ça occupe bien peu l'actualité
l'actu tue par sa littéralité
sans esprit de suite
au degré zéro d'imagination
L'ascenseur est en panne / prenez donc l'escalier
L'actu tue
qui ne se soucie
du sème ni du phonème
qui fait qu'on aime par exemple
– un poème
grande libéralité de la débilité
en parfait usage
des lieux communs
vieilles ritournelles &
sarabandes métaphoriques
devoir de mémoire
droit à l'oubli
pluie d'hommages
tonnerre d'applaudissements
guerre de l'information...
La mort d'un poète, disais-je,
occupe bien peu l'actualité
DÉRÉGLEMENTATION DU SENS
Tiens donc, mon pouce me salue aujourd'hui bien « poucivement » et je sens mon gros orteil qui frétille, m’invite à sortir, faire des rencontres.
Je vois bien aussi que mon œil gauche me dit qu’il pleut, tandis que mon œil droit m’assure qu’il fait soleil.
En vrai, je ne sais plus vraiment qui me commande et qui m’obéit : gyrovague en libre service sensoriel, passé au filtre de l'intelligence artificielle d'un cervelet interconnecté.
Comment croire encore à se construire soi-même, sans démantibuler sa tête d'esthète ?
Mais, cher monsieur, qu’avez-vous fait de votre kit philosophique ? Et qu’attendez-vous pour raisonner la maisonnée, au nom de la pierre, de l’édifice et du ceint esprit ?
C'est promis, dès demain je reprends mes exercices de diète éthique
TROUS DANS LA PENSÉE *
Tout trou trouble
et bien plus ceux
immatériels
qui occultent soudain le sens des choses
obturent l'entendement
c'est une brève aura
état d'hébétude
sensation de flottement
qui induit des mini court-circuits
procède par petits effacements pernicieux
Tout trou trouble
comme l'incursion imprévue
dans les yeux
d'un blanc deuil
qui tire sur le bleu
─ graine de migraine ─
laquelle succède, graduelle
à l'hallucination visuelle
picotée de taches noires et
ponctuée de scintillements
Méfiez-vous
des trous dans la pensée
(et maudits acouphènes)
bonnes gens qui écrivez
le plus beau cadeau
n'est-il pas d'oublier au plus vite
ce qui fut écrit
dans l'instant advenu et
désormais assouvi ?
Byblos aboli
* expression empruntée à Jean-Pierre Abraham, dans Carnet de bord de la Berlue, in « Au plus près » (éditions du Seuil, 2004, p.102)