Traductions – Raquel Vázquez (Espagne)

Poèmes de Si el neón no basta, Ed. La Isla de Siltolá, 2015

Traduction par Miguel Angel Real

CASIDA PARA UN BESO

Mirarte y nace un mundo.

Mirarte y el deshielo de la noche,
la sombra erosionada,

mirarte y un camino para siempre,
la tierra en manantial,
las huellas en que tiembla
este aguafuerte
del aire,

mirarte

y aunque el tiempo
ya se desnude en óxido
no importa,

mirarte hasta esculpirte
en piel de luna,

mirarte hasta mirarme
y en tus ojos
tallar el agua que nos parta,

nos trence,
nos repita
en el milagro de nacer.

Mirarte.

Y cuántos cielos caben en tu boca.

QASIDA* POUR UN BAISER

Te regarder et un monde naît.

Te regarder et le dégel de la nuit,
l’ombre érodée,

te regarder et un chemin pour toujours,
la terre comme une source,
les traces où tremble
cette eau-forte
de l’air,

te regarder

et même si le temps
est déjà nu comme rouille
ça n’a pas d’importance,

te regarder jusqu’à ce que je te sculpte
en peau de lune,

te regarder jusqu’à me regarder moi-même
et dans tes yeux
tailler l’eau qui nous brise,

qui nous tresse,
qui nous répète
dans le miracle de la naissance.

Te regarder.

Et combien de cieux tiennent dans ta bouche.

*Les qasidas sont des poèmes d’origine arabe, non strophiques. La poésie espagnole les reprend pendant le XXe siècle, en conservant une thématique généralement amoureuse.

 

*****

AGUA

Te das la vuelta y yo
me aferro a ese milagro
que pueden ser mis ojos recogiéndote
como si este deseo
no fuera más que un niño
que no ha ido cumpliendo tantos años,
royéndome,
habitándome,
haciéndome más pura
por la forma en que te amo sin cristales,
sin espejos porque eres tú y me basta.

Mi mirada es tan limpia
como lo es el dolor
de que exista tan sólo
una pantalla ardiendo sobre el tiempo.

Como lo es el dolor
de que no exista más que la mirada.

EAU

Tu te retournes et je
m’accroche à ce miracle
que peuvent être mes yeux qui te recueillent
comme si ce désir
n’était rien de plus qu’un enfant
qui n’a pas pu grandir,
qui me ronge,
qui m’habite,
qui me rend plus pure
dans la forme où je t’aime sans cristaux,
sans miroirs parce que c’est toi et que ça me suffit.

Mon regard est aussi limpide
que la douleur
de voir qu’il n’existe
qu’un écran qui brûle sur le temps.

Comme la douleur
de voir qu’il n’existe rien d’autre que le regard.

 

***

SUMMER SUNSET

Veintiséis grados,
mar.

El cielo es una goma que se derrite y sangra.

Lejos
pero en algún lugar la nieve existe.

También contigo me aferro a esa nieve.

Y el sol se pone y no
se lleva esta esperanza.

SUMMER SUNSET

Vingt-six degrés,
mer.

Le ciel est une gomme qui fond et qui saigne.

Loin
mais quelque part la neige existe.

Avec toi aussi je m’accroche à cette neige.

Et le soleil se couche et il
n’emporte pas cet espoir avec lui.

 

****

Raquel Vázquez (Lugo, 1990) a publié une douzaine de livres, dont le roman Chomolangma (2017, La Isla de Siltolá), les recueils de nouvelles La ocarina del tiempo (2016, Trifolium) et Paralelo 36 (2019, Talentura), ainsi que des recueils de poésie tels que Puerta de embarque (2022, Renacimiento), Aunque los mapas (2020, Visor, Premio Loewe a la Creación Joven, Premio Ojo Crítico de RNE), Lenguaje ensamblador (2019, Renacimiento, Premio Orizzonte Atlantico) et El hilo del invierno (2016, Hiperión, Premio Nueva Valencia). Certains de ses poèmes ont été traduits en français et en italien. Au cours de l’année universitaire 2014/15, elle a reçu une bourse de résidence de la Fondation Antonio Gala pour les jeunes créateurs et, plus récemment, une bourse Leonardo de la Fondation BBVA pour écrire un livre de nouvelles.