Le point de merde

Inutile de s’étendre longuement sur ce signe modelé par Michel Ohl (1946-2014), composé d’un omega minuscule traversé en son milieu par un point d’exclamation, la figure parlant d’elle-même.

Le point en question nous semble avoir été déféqué pour la première fois en 1991 dans « L’An Pinay », livre publié aux éditions Plein Chant, dans lequel on trouve ce quatrain des plus délicats :

Je t’ai dans la peau
Et je t’en sors Selle
Au fond de mon pot
De nuit ô Marcelle

Michel Ohl, dont on ne s’étonne pas qu’il fut membre du Collège de ‘Pataphysique, a placé ce point qui lui est familier en d’autres endroits :

Extrait de texte, par Michel Ohl
(éditions Plein Chant, Marginalia)

Sur Wikipedia, dans une page consacrée aux signes de ponctuation atypiques, Michel Ohl constatait que son invention avait été « joliment rebaptisée point d’aisances ». Sachant qu’il ne lui serait pas venu à l’idée d’euphémiser son point excrémentiel, nous respectons ici le nom d’origine de l’auteur, destiné à en conserver la substantifique « merdescence », perpétuelle et universelle. Et croyons en l’avenir du « point de merde » comme dans l’amour inconsidéré des Lettres, teinté ici d’humour vache :

 » Mais je sais que demain je tomberai en un petit coin de page de décadent obscur, de bousingot, de branque de lettres, sur un point de merde goguenard, le protopoint de merde, le père de tous les points de merde, et mon nez s’enfoncera de lui-même vous subodorez où. »
Michel Ohl, Le point de merde in : Archives de Marginalia
éditions Plein Chant, novembre 2010/novembre 2011.

Eh bien, nous savons maintenant que ce « protopoint de merde » prophétisé par Michel Ohl préexistait, grâce à la perspicacité d’un autre pataphysicien, le Régent Alain Chevrier, preuve une fois de plus que rien ne se crée et que tout se transforme, le caca en or et l’or en caca :

En regard du titre de La Foiropédie, almanach des Chieurs (1761), on peut voir la lettre Oméga [ω] figurant un postérieur, avec cette légende : « Mangez donc des étrons / Si vous les trouvez bons. » (Bibliotheca scatologica…, Scatopolis, chez les marchands d’aniterges, l’année scatogène, 5850 (sic), p.10)

Alain Chevrier, Coprophagie, in Viridis Candela N°262, 15 décembre 2023.