Marion Lafage



Tout ce qui revient de l’ennui

Justice du figuier ou de l’érable ?

Tu ne choisiras pas, brassant les copeaux de solitude.

Tu parcours le labyrinthe où confier les coins au surplomb des contradictions.

Le scribe scrute les racines, à la recherche de sa voix et de ses masques.

Au milieu d’une gamme scintillante de présences factices, les illusions laissent s’échapper des transformations, semées cailloux sur la sente d’aimantation initiatique des contes.

La ronde descend ou remonte en spirales selon la prise au vent, la façon dont les drisses tintent au fond de la mémoire.

A chaque nouvelle sortie du port sur le cahier des lignes et des vagues, l’écume de mer revue sur le quai des découvertes, nettoyée avec le soin pris pour les souvenirs précieux.

La grue du temps tourne non loin, grand pistolet urbain. Toupie de ville insensible, pouvoir d’immobilité qui disparaîtra pour renaître plus haut dans le champs élyséen des hautes éoliennes.

Les laves éruptives ne finissent-elles pas par refroidir en cendres durcies ?

La question est alors de pouvoir reprendre pied dessus, se déplacer sur des pentes pacifiées. Dépasser le figement, aller de fumerolle en fumerolle, dans la caldera des micro-organismes adaptés aux conditions extrêmes, et sonder tel Trophonios, l’envers du monde visible. L’ébène du jour sous la gelée blanche du toit écailles de tortue.

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Sur des tableaux d’Ann-Eva Bergman

Hamlet, cette autre lune

Flottante forme d’or

Sur l’horizon noir

Les lignes se dressent à pic

Contre le labyrinthe

Sinuent, s’enroulent, se croisent

A l’infini se recoupent

Dans ton esprit

Où les couleurs toujours

Décident du fond à venir

Les oiseaux continuent

Leur lutte nourricière

Sur la balustrade détrempée

Le ciel a absorbé les montagnes

Les becs cognent

Les pattes s’agrippent

Aux barres métalliques

L’équilibre se trouve

A une certaine hauteur

S’arrête point des transmissions

La diagonale de clairvoyance

S’oriente en vague vers la clarté

Passe du violet sombre

Au vert numineux

Un fantôme vient parler

Au voyant de questions

Essentielles

Entrouvre le sens

Des formes géométriques

Sinuant dans la couleur

La ligne claire sous le marbré

Rayon de lumière horizontal

Entre la terre et l’espace stellaire

L’astéroïde doré

Un palimpseste sidéral

Au coeur entaillé

Pierre de silence

De reflets faramineux

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Le grain de blé dans la valise

Tombé du sablier d’été

Comme une clochette

Dans un tambourin

En premier s’effondre

La statue d’Agamemnon

Avant le gardien des anges

De pierre du jardin

Puis les vendangeurs des sentiments

Célèbrent la fin de leur labeur

Entonnent un chant allégorique

De la paix et de la guerre

Épuisement indigo

Des pelures d’âpreté

Crépuscule des idoles

Dans un dernier salut au monde

                          « Lézards et geckos dans la fissure du mur »

                          « un liseré de mer bleu-argent »

                                                                            Yannis Ritsos

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Animatrice d’ateliers d’écriture depuis 2017 (D.U. Aix-Marseille), Marion Lafage vit dans les Hautes-Alpes. Poète invitée au Festival des Voix Vives de Sète en juillet 2023, elle a publié dans diverses revues puis deux recueils chez Jacques André éditeur, Par Chemins et Calames (2022) et Un Mixologiste en Montgolfière (2023). Elle a participé au collectif Ecrits-Studio de Patrick Dubost et à plusieurs scènes de lecture publique en collaboration avec des musiciens. Elle aime mêler à l’écriture autant les arts que la nature dans les ateliers et les stages qu’elle anime au sein de l’association Mots et Rhizomes.