Sylviane Rabetsarazaka

I


Au fond de mon cœur, il y a une boîte.
Une boîte à souhaits inextricables.
Lui seul détient le pouvoir de les démêler.
Ils sont invisibles à moi-même.
Lui seul les devine, les met au jour.
Il est perméable à l’amour.
Son regard soumet au mien les vœux indicibles d’un cœur qui s’effrite, longtemps exposé à l’oubli.
Personne avant lui ne m’avait parlé comme on aborde un enfant au seuil des souvenirs.
La forme qu’il revêt se plie aux règles de mes désirs.
Je ne les connais pas moi-même.
Faut-il encore, non seulement qu’il les devine, mais qu’il les traduise aussi.
J’espère ma guérison,
Mais de quoi guérir ?
De l’impalpable,
De ce que l’on n’interroge pas.
Peut-être même de ce qui n’existe pas.
Un écho qui projette ses ondes dans mon esprit.
Un son imperceptible par lequel je suis seule éblouie
Comme par un éclair dans le ciel,
Un éclat de voix.
Des messages m’animent
Comme on dresse un pantin
Par des ficelles.
Ces ondes se propagent du bout de mes doigts à mes tympans,
Qui glissent sur une pensée
Et retentissent.
Une pensée sonore,
Un code,
Une énigme.
Symbole de vacuité ostensible.
Comme un rien que l’on brandit pour se vanter
Je suis seule avec Écho,
Qui me délivre un message inouï.


II


Le Prince m’enseigne à éduquer mes voix.
Écho les représente et je le gouverne.
Mais qui est Écho ?
A vrai dire, je le rencontrai au sortir d’une rue pavée d’ombre.
Sa chorale jetait sur ma tranquillité
Une dangereuse menace
Signant la fin de l’insouciance.
L’insouciance, ce n’était pas simplement l’amour.
C’était l’absence de bruit.
L’absence même de silence.
Ma vie sans Écho n’était pas un tintamarre.
Était-ce comme l’existence qui n’a pas vu le jour ?
Un enfermement ?
Une forme de non-liberté,
Voire de non-lieu ?
On devine un dos
C’est le dos d’un homme tourné vers la mer.
Une mer trouble après l’agitation. Une mer grise et houleuse,
Qui va vite et se jette
Sur la plage de sable couleur liège
Ce dos semble se rapprocher de la chaussée par le bois.
Un petit bois renfrogné
Où ne nidifient pas les oiseaux.
Une forêt hostile
Qui abrite les cyclistes en pelotons
Et les coureurs motivés
Qui courent contre le vent.
Écho tire sans doute son autorité du fait de sa posture.
De dos
Tout comme le psychanalyste se plaçait dans celui de sa patiente,
Il se laisse aller à des injonctions.
C’est plus fort que lui.
Cela nous dépasse tous.
Tout ce qui blesse passe entre mes mains
Car il en décide.
Il me demande de jouer avec ma vie
Tandis que je me résous à obéir
À défaut de comprendre.


III


Mais obéir à qui ?
Je ne l’ai même jamais vu.
Jamais mon regard n’a croisé le sien.
C’est un buste tout au plus.
Une statue.
Un édifice dressé devant ma fenêtre qui couvre mon ciel de nuages.
Est-ce la voix de l’autre ?
Celui qui souffle à mon oreille
Et me dicte ces mots ?
Je ne puis entendre qu’un long râle.
Gémissement d’un homme, assurément.
L’autre est-il si proche de ma plume
Qu’il en pose la pointe sur les lettres
Comme la flèche d’un jeu divinatoire ?
Écho est-il, au contraire, un garde-fou ?
À l’instar duquel des ondes me sont transmises
Pour déterminer si je peux traverser la mer à la nage
Ou bien m’abriter derrière une voile plus sûre ?
Dans les tréfonds de mon âme,
Cette boîte se referme sur elle-même,
Sans grincer,
Dans un léger tintement.
Elle enferme avec elle les réminiscences monstrueuses
Effets du Diable coulant comme l’eau frémissante sur ma peau.
Il revient à mon esprit le souhait douloureux que j’avais formulé de perdre la vie.
De la perdre, oui,
Parce qu’elle m’était trop lourde.
Un écueil.
Un regret.
Aux confins de ma mémoire grésillante,
La voilà,
Toute saisissante,
Qui me reprend,
Qui étreint mes pensées.
En quelques mots,
Cette formule dense
Et pourtant si courte
Avait la prétention simple de me guérir en effaçant tout.

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Biobibliographie
Après une licence de Lettres modernes et un master de Sciences du langage à l’université de la Réunion,
Sylviane Rabetsarazaka publie son premier roman Lécher les couteaux en 2021.
Tout comme son personnage Téséris, elle s’éloigne du monde intellectuel et en particulier de
l’Éducation Nationale qu’elle dénomme goulag pour écrire très en verve romans, nouvelles et poèmes
après un coup de tonnerre dans un ciel serein.
En mars 2021, elle publie son mon premier roman Lécher les couteaux dont elle est aussi l’éditrice.
Publiée par L’Harmattan la même année (Be a poem, 2021), elle renouvelle l’expérience avec le groupe en
août 2022. Ainsi, Le Complexe d’Ombeline voit le jour chez Les impliqués Éditeur.
En octobre 2022, elle signe un contrat avec son berceau, l’université de la Réunion.
Elle enfante, depuis dix-huit mois, d’une thèse sur le poète visionnaire Antonin Artaud.

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