Iren Mihaylova

Illustration : En dernier recours et Je ne suis pas votre poupée , acryliques sur toile, 2024 (Iren Mihaylova)

Le rêve de Narcisse

I.

Au bord de ce corps
Où frémit la parole
Toutes ces paroles, au bord de ce corps

Toute la nuit.

Au fond, la réponse serait-elle, peut-être, si simple

Si transparente :

Toute la nuit
Au bord de ce corps
Toutes ces paroles
Où frémit la parole
Au bord de ce corps

Si transparent, si simple

Peut-être, la réponse, serait-elle

Au fond.

II.

Au plus haut

Ces nuages qui sont mes mains
Qui sont mes brèches
L’enceinte de mes nuits sans amertume

Au plus haut

Où mon naufrage naît
Où le regard me scrute
De l’intérieur

Au plus haut

Cette main qu’il me tend
Cette main barrée
Raillée
Qui veille

Sur l’immense ciel du souvenir
Comme si c’était un rêve
Une immense chimère
À apprivoiser.

III.

J’aimerais

Qu’il puisse s’envoler
Que cet horizon dégagé
Puisse enfin faire naître
Ma nuit solitaire.

J’aimerais

Que ma nuit naisse
Jamais accouchée
de mon enfance perdue.

J’aimerais

Que cette nuit transparaisse
À travers l’armure
Que sont les mots.

J’aimerais.
J’aimerais tant.

***********

Rêve anagraphe

Le vent remue l’effluve de cette partie de la métamorphose qui portait ta trace émue,
Les semelles de sa tempête passée caressent la trame du quotidien d’exil,
Du haut de ma cellule – un luth constellé,
C’est peut-être celui qu’il aurait fallu éteindre en premier.

La difformité de l’espoir est comme une pendule sur nos têtes
À chaque mouvement qui se fige dans une perpétuité de questions irrésolvables.
Parfois je rêve que le mouvement s’arrête et qu’un autre vent pénètre
et aère ces pièces –
Trop vastes pour faire sortir la nuit,
Les pièces de la maison du temps où le temps suspendu ne cesse jamais de passer,
Le temps des disparus et des revenants toujours dans un même coin de la pièce.

Cette maison plus vaste que les bleds est peut-être une fenêtre ouverte vers toi mais

depuis la cellule de ma disparition, je longe le refuge de cette disparité où tu n’es pas resté me
rattraper avec le temps perdu,

ces pièces trop vastes pour sortir de la nuit des temples oubliés.


**********

Le ciel entre nos coudes

Ce qui nous a fait souffrir nous a brisés mais ne nous détruira jamais

Puisque je te tends la main qu’ils ont voulu m’arracher et c’est sans doute car

Tu as toujours été là, même avant ma naissance et tu t’y attendais,

Tu m’attendais, moi, même avant l’attente et mes pas effrénés, impatients de t’atteindre

Sur des terres que mes pieds n’avaient jamais connues mais qui me reconnaîtront car

Tôt ou tard le bonheur tombe du ciel entre nos coudes bercés dans la fragilité de nos larmes qui
nous ont rendus d’acier et peut-être pour cela je ne peux plus jamais te perdre,

Tu es là, au fond de ma disparition, ma chère disparition que je connais.

********

Iren Mihaylova est une poétesse, romancière, peintre et psychanalyste (née à Sofia, en Bulgarie dans les années 90) qui demeure et travaille à Paris. Elle a une pratique psychanalytique et écrit des œuvres de poésie expérimentale, lyrique ou surréaliste, ainsi que des récits et des romans.
Elle est l’autrice de 8 recueils de poésie (Tirer les ombres, Sans crispation éditions, 2023 ; En tirant les ombres, Bibliothèque Bulgarie, 2024 ; Sans fond de lumière, Encres vives éditions, 2024 ; Lumineux désastres, poésie inédite d’Iren Mihaylova et de Damien Paisant, Peau Électrique, 2024 chez Sans crispation éditions ; Ciel de ma mémoire, L’Appeau’Strophe éditions, 2024 ; Paraboles sur le cœur (livre d’artiste – peinture, dessin et poésie), Poésie.io., 2024 ; Naissance de Lune, Echappée belle éditions, 2025 ;
Cosmogonie de la Perte, Sans crispation éditions, 2025), ainsi que d’un roman (Lettres à mon Autre, Sans crispation éditions, 2026) et d’un récit autobiographique (Trésor Noir) prochainement publié sous un pseudonyme.


Elle publie dans des revues en papier : ARPA, Le Journal des poètes, À l’index, L’intranquille, Traversées, Phoenix, Rien de précis, Revue Henry, Les Haleurs, Florilège, Traction-brabant, L’accent de poche ; En ligne : Revue hélas, Les Haleurs, Poetiquetac, Télùrika, Lichen, La Tortuga Bùlgara, Nouvelle Poésie Asociale (Bulgarie), etc, ainsi que sur des sites internet : Pro/prose magazine, Les Haleurs, Souffle inédit, Jeudi des mots, Francopolis, Oupoli, Fragile, Les arbres sont des êtres qui rêvent, Nouveaux délits, etc.


Elle est co-créatrice et illustratrice de la revue et espace de création contemporaine Peau
Electrique : https://peaueleclabo.wixsite.com/revue.
Son site internet de poète-peintre : https://peaueleclabo.wixsite.com/irenmihaylovapeintre.

Sur son œuvre :

  • David le Golvan sur Tirer les ombres : https://souffleinedit.com/poesie/tirer-les-ombres-
    diren-mihaylova/ ;
  • David Dielen sur Tirer les ombres : https://www.leshaleurs.fr/un-pas-de-cÔtÉ/un-pas-de-
    cÔtÉ-À-la-lumière-des-ombres-iren-mihaylova-tirer-les-ombres ;
  • Jacques Cauda sur la peinture d’Iren Mihaylova : https://souffleinedit.com/poesie-art-
    litteraire/iren-mihaylova/;
  • David Le Golvan sur Lumineux désastres : https://e8f528dd-4cf1-4daa-93bd-
    774e9c77550e.filesusr.com/ugd/48a349_682d4780fcbd405bb18adda553dd1f6c.pdf;
  • David Le Golvan sur Ciel de ma mémoire : https://e8f528dd-4cf1-4daa-93bd-
    774e9c77550e.filesusr.com/ugd/48a349_0776175d44624c49847d8111978395f1.pdf

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