Traductions – Marcos de la Fuente (Espagne)

Illustration: © Ricardo Cavolo

Poèmes de Valles profecía, Ed. Espasa, 2025

Traduction par Miguel Ángel Real

Sur

Desde el sur
vino desde el sur
y vino porque lo llamamos en el norte
y lo llamamos porque
queríamos dejar de ser sur
éramos norte pero
queríamos dejar de ser sur

Subimos
vinieron y subimos
con ellos
ahora ya no eran sur pero subimos
juntos
ya no eran sur pero subimos
éramos norte
juntos
éramos norte pero subimos
no queríamos ser sur

En el norte nos recibieron
y seguimos subiendo
juntos
en el norte
no queríamos ser sur

Éramos norte juntos
subiendo
respondiendo a la llamada del norte
para que fuésemos
ellos tampoco querían ser sur

Subimos
juntos
respondiendo a la llamada
fuimos
al norte
juntos
al norte
recogiendo a otros que
como nosotros
no querían ser sur

Y cuando todos
juntos
llegamos

Llegamos y
ya no quedó ningún norte
ya no quedó ningún norte

Entonces
entonces fuimos sur
y ya no quedó ningún norte
Entonces fuimos sur.

[Para los inmigrantes de este mundo,
que somos todos]

Sud

Du sud
il est venu du sud
et il est venu parce que nous l’avons appelé depuis le nord
et nous l’avons appelé parce que
nous voulions ne plus être sud
nous étions nord mais
nous voulions ne plus être sud

Nous sommes montés
ils sont venus et nous sommes montés
avec eux
ils n’étaient plus sud mais nous sommes montés
ensemble
ils n’étaient plus sud mais nous sommes montés
nous étions nord
ensemble
nous étions nord mais nous sommes montés
nous ne voulions plus être sud

Au nord on nous a reçu
et nous avons continué à monter
ensemble
au nord
nous sommes montés
nous ne voulions plus être sud

Nous étions nord ensemble
en montant
en répondant à l’appel du nord
pour qu’on y aille
ils ne voulaient pas non plus être sud

Nous sommes montés
ensemble
en répondant à l’appel
nous sommes allés
au nord
ensemble
au nord
en prenant d’autres qui
comme nous
ne voulaient pas être sud

Et quand tous
ensemble
nous sommes arrivés

Nous sommes arrivés et
il n’y avait plus aucun nord
il n’y avait plus aucun nord

Alors
alors nous fûmes sud
Ensemble nous sommes arrivés
et il n’y avait plus aucun nord
Alors nous fûmes sud.

[Pour les migrants de ce monde,
et nous le sommes tous]

***

La semilla

Tres luces parpadean ante la ausencia de tacto

La palabra es la mano
La mano es lo que cambia el mundo
o al menos, la realidad que nos han enseñado
La verja contiene los secretos nunca contados
y dolerá si la tocas a piel llana

Dijeron basta, pero no lo dijeron bien alto
Dijeron para, pero nadie escuchó
Dijeron lucha, pero no sabian contra qué se luchaba

La repentina consciencia de nuestra común vulnerabilidad
El final de algo o el principio de algo

Seremos río si no sabemos ser mar
Seremos tierra húmeda si no sabemos ser río
Seremos roca si no dejamos que crezca en la tierra
la semilla que plantaron nuestros abuelos.

La graine

Trois lumières clignotent dans l’absence de toucher

Le mot est la main
La main est ce qui change le monde
ou du moins, la réalité que l’on nous a enseignée
La grille contient les secrets jamais avoués
et elle fera mal si tu la touches avec ta peau nue

Ils ont dit assez, mais ils ne l’ont pas dit assez fort
Ils ont dit arrêtez, mais personne n’a écouté
Ils ont dit luttez, mais ils ne savaient pas contre quoi ils luttaient

La prise de conscience soudaine de notre vulnérabilité commune
La fin de quelque chose ou le début de quelque chose

Nous serons une rivière si nous ne savons pas être la mer
Nous serons une terre humide si nous ne savons pas être une rivière
Nous serons un rocher si nous ne laissons pas pousser dans la terre

la graine plantée par nos grands-parents

***

El futuro era esto

La ciudad estaba esperando
yo pensé que ya se habría ido pero
la ciudad estaba esperando

Con los raíles intactos las llaves puestas y el motor preparado
con humo blanco saliendo de la Iglesia de Saint Marks
con una for creciendo en el segundo peldaño
con el deseo contenido en haces de estrellas que
[mueren dejando sitio a otras estrellas que mueren
para que sepas que hasta las estrellas mueren para
que sepas que seguirân viendo tu luz desde el pasado

Miríadas de palabras se adhieren torpemente a mi cuerpo mojado
empapado en un discurso que se oye lejano
una persona que no conozco emite sonidos que salen de mis labios
quiero salir de mi cuerpo y decirle que se vaya de mi cuerpo
pero entonces seré yo el que se haya ido
y no quedará nadie a quien decirle nada
nada a quien decirle nadie

Nadie se atrevió a decirme que estaba corriendo por el camino equivocado
nadie
todos y todas lo vieron
me estaban observando
llegué a la cima pero no había nadie a mi lado
el agua de mi cuerpo se transformó en deseo líquido
que se hizo visible como un meteoro suspendido en la atmósfera
como un rayo
una insolente descarga eléctrica que partió en dos el preciado árbol de mi vida
dejó una rama cargada de poesía con su simple tacto.


L’avenir c’était ça


La ville attendait
je pensais qu’elle serait déjà partie mais
la ville attendait.

Avec les rails intacts, les clés en main et le moteur prêt
avec de la fumée blanche sortant de l’église Saint Marks
avec une fleur qui poussait sur la deuxième marche
avec le désir contenu dans des grappes d’étoiles qui
[meurent laissant la place à d’autres étoiles qui meurent
pour que tu saches que même les étoiles meurent pour
que tu saches qu’elles verront toujours ta lumière depuis le passé.


Des myriades de mots s’accrochent maladroitement à mon corps mouillé
trempé dans un discours que l’on entend au loin
une personne que je ne connais pas émet des sons qui sortent de mes lèvres
je veux sortir de mon corps et lui dire de sortir de mon corps
mais alors c’est moi qui serai partie
et il n’y aura plus personne à qui parler
rien pour lui dire personne

Personne n’a osé me dire que je courais sur le mauvais chemin
personne
toutes et tous l’ont l’a vu
on me regardait
j’ai atteint le sommet mais il n’y avait personne à mes côtés
l’eau de mon corps s’est transformée en désir liquide
qui est devenu visible comme un météore suspendu dans l’atmosphère
comme un éclair
une insolente décharge électrique qui a fendu en deux l’arbre précieux de ma vie
a laissé une branche chargée de poésie par son simple toucher.


Marcos de la Fuente (Vigo, Espagne, 1976). Poète, thérapeute et activiste culturel. En 2015 il a publié le recueil Las partículas brillantes. En 2017, le disque Isla futura avec le groupe Pólvora, spoken word et musique électronique. En 2018 il publie La nueva Sensibilidad, manifeste sur la signification de la poésie, et il présente le projet Lorca2018, une révision de Poeta en Nueva York, avec le musicien Aldo Pérez. En 2019 il fait partie de Panorama y Luna sobre los rascacielos, anthologie de poètes espagnoles à New York, et de Proyecto Atlántico, aux Editions Venguerén. En 2020 il collabore avec l’artiste María Romero avec des poèmes sur des tissus teints à main dans A tintureira do Hudson.

En 2021 il présente The Empathy Muscle avec le musicien Alec Ekvall, performance de poésie et musique. En 2022 il publie l’anrhologie Poetryfighters avec Editorial ultramarina et il est invité pour lire à la Walt Whitman Birthplace et dans le Poetry Project Marathon. En 2023 il associe musique, poésie et IA dans El poeta vs. La Máquina. Il collabore avec TheVERSEverse pour emmener la poésie dans le Métavers et la Blockchain. En 2024 il présente As Cordas Invisíbeis, poème en galicien mis en musique par la pianiste Aida Saco-Beiroa, et il collabore dans le tribut officiel à Allen Ginsberg.

Il est le directeur du Festival Kerouac dans ses trois sièges: Vigo (depuis 2010), New York (depuis 2013) et México D.F; (depuis 2019). Il organise également, chaque mois depuis 2019, l’évènement Se buscan poetas dans le Bowery Poetry Club à Manhattan.

Instagram: marcos_delafuente/

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