Marion Dorval – Trois poèmes

Ne jamais taris.
Ne jamais refuse.
Ne jamais obtuse, grattante.
Ne jamais recluse, petite.
Un trait existe pour relier
La poussière au rai de lumière
Abonde la matière
Jusqu’au seuil de l’éclat
Nourris la sève, recrache
Nuées gorgées d’espoir
Poitrine battante recèle
Encore ta foi chaude
Bientôt ardente
A l’encontre des inédits
Trait pour trait
Jamais ne taris.

                                 Marion Dorval

 

 

J’ai vu de lasses insomnies
Errer en masse par ici
La froideur les a ravivées
En traces givrées
Trois, il en était ainsi
Du chiffre défini
Comme ne pouvant être l’unité
Jamais la paire non plus
Toujours un intrus
Trois, un air de trop
J’étais pas loin pourtant
Je délasse et je délaisse
La mélancolie qui m’oppresse
Y’avait une autre trame au fond
Dans le lit de la rivière
Ophélie en bord de mer
Perdue et sans aucun repère
La terre qui déboule dans le flot
Les rugissants comme un écho
Traverser ce serait déjà l’arrivée
Immensément fortunée, pas foutue d’espérer
Le sel avait dilué l’amer
Je suis revenue de mes transes parmi les bouées

                                                                                Marion Dorval

nos bordures sont-elles étanches ?
je me tiens en lisière du monde
à l’orée des bruits

                                          Marion Dorval

 

Présentation

Le chant, la voix parlée, chantée et écrite : autant de moyens pour moi de se révéler à soi et aux autres en respectant sa nature profonde, ainsi que pour accéder à la dimension créatrice du souffle-voix.
Dire c’est bouger, mouvoir. Penser aussi, en amont. L’un et l’autre s’apprivoisent, avec l’écrit pour médiateur.
Dans mes écrits, je fais place au corps-sensations. Il est souvent question de mouvement, dansé ou gestué, de l’âme ou de la chair. C’est une poésie de l’instant qui veut tout saisir d’un coup.
Mots et silence nécessaires l’un à l’autre pour marquer leur trace et dévoiler la pensée. Ou bien la masquer et contourner ce qu’on n’oserait révéler.
Comme un aveu, quelques lignes pour afficher la vulnérabilité qu’impose le langage oral, et la parade futile de l’écrit.
Le rythme peut me sauver de la sensation d’insécurité à se livrer, en ce sens qu’il met en mouvement la vocalisation interne dans un élan enthousiaste.

  • Lauréate du prix 2018 Les Dénicheurs – Maison de la Poésie d’Avignon
  • Lauréate du concours organisé par Yakshi Compagnie 2019 : lecture à voix haute du poème retenu par Laura Lutard, comédienne, lors du festival Off d’Avignon