Jean-Jacques Brouard

 

Éclat de nuit

Défiance de haute vigueur
Lancée au visage des astres !
Et l’extase bestiale revient à ses heures
L’élan de l’homme vers l’idéal
Est un désastre

Bain de jouvence dans le fleuve du savoir
Et Lilith émerveillée de la folie des sens
Qu’elle exsude
C’est la fusion des humeurs
Et le suc de la volupté

Dérives cyniques de la plus haute nuit…
Quand le fat impétrant
Se noie dans la colique du dieu
Et que les fleurs défont
L’horrible fatras des pierres

Ce n’est pas faute de croyances
Que les hommes s’étiolent
C’est faute d’idéal
L’utopie plane au-delà des consciences

Les arcs de triomphe
Décochent toujours
Les flèches de la tyrannie
Le cœur des humbles saignent
De l’ignoble

A l’instant

 Combien de temps crois-tu que cela va durer ?
Éternellement ?
Non, l’éternité n’est pas pour nous
Nous le savons bien
Mais c’est ce savoir même qui nous fait durer
C’est l’instant qui, pour nous, est éternel, pour nous…
Nous qui savons la fugacité du temps
La vanité des choses
Et l’inanité de la matière

Au diable les lumières de l’aube
Que me veut le temps ?
Des peaux tomberont qui seront pourries
Les crabes dévoreront mes intérieurs
La vie partira
Et toi avec
Ah, quel désordre dans les couloirs de l’espace !
L’espace d’un instant,
Les vieux n’ont pas droit d’asile au pays de l’éternel jeunesse
Le monde est difficile à supporter
La création est erronée
Qui a commis la faute ?
Le hasard est une hydre

L’air du temps

 Le temps n’est plus
A laisser le temps
Faire son effet pervers
Le futur est le revers
Du temps le passé
Qu’on défait et qu’on laisse
Advenir dans le souvenir
Divertit mais aussi nous détruit
De vivre sous la pluie
Plisse l’étant-donné
Dans le sans-doute et le peut-être
A présent que passé le futur
Est tout autre
Le temps n’est plus en reste
Il s’est mis à manger
Notre être et tout le reste
Tout se met à changer
Dans l’envers du décor
Nous serons tous plongés
Désireux d’être encore
Nos corps ne seront plus

Le point  a été mis
Au creux de l’infini
Par une main invisible
Qui n’a ni doigts ni paume
Ni ongles ni os
Il y a le point
On ne voit pas de ligne
Le point règne en maître
Il n’y a que lui dans
L’espace qui lui-même
N’est qu’un point
Infini
Où des mains indéfinies
S’agitent sans cesse dans
Le tourbillon sans fin
De circonférence point
Rien d’autre à dire
point.

L’auteur : l’un des deux artisans de l’Ouvroir