Fabien Leriche – Trois chants nocturnes

Photographie: M.A.Real

N’est pas en reste dans le vin le lieu de la nuit étoilée
déroulement révolu des voix où s’adonne au centre le paysage exhaustif et brûlent les manuscrits
la flamme du sacrifice brûle encore autour des maisons de campagne qui se divisent en rangées de
terre cuite
l’air frais unique au monde originel des cloîtres d’âge néolithique
l’âme implantée dans l’âme du premier arbre
forcée de courir autour du tronc
les messages dans l’argile fabriquent les pigments de la première conversion
à partir de la sève
de l’ancien alphabet
la lutte pour la vie oblige les moissonneuses à séjourner au sein des blocs de neige
les vendeurs n’ont pas le pouvoir d’ouvrir les portes du fond d’oeil
et les chiens entrent en boîte pour nous nourrir toute la semaine
les lignes de fuite cherchent à se débarrasser du futur et de l’imparfait
mais au bout de la route
le regard renoue les fils du temps
aux arbres qui se recomposent entre les époques
j’ai rêvé d’être la fiancée d’un arbre
j’ai vu le tronc pourri
accéder à son pourrissement
la basse continue du bois s’est confondue sans bruit
avec la précipitation de sa fin
j’avais ensemencé des brebis
de quoi manger dans les auges et les kiosques à journaux
mais à la radio on s’exclamait de rire parce que les métaphores insolubles avaient perdu la guerre
et qu’il fallait plutôt de la pensée
après une belle journée
d’alliances végétales
rien n’est simple dans ma joie si mes yeux ne guérissent complètement
qu’aux éclipses de lune

 

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Chute lente d’un esprit de perles
en figures énigmatiques
l’albinos avait l’air vaincu
ses membres étaient faits de sable
et jouaient avec sa blancheur
le vent s’amusait à le détruire
sa résistance rattrapait le temps
il s’essayait parfois au chant
confondait ses yeux avec le ciel
il vivait sur un morceau de lune solide
excavation d’une image secrète
nourriture d’insectes
en contrebas d’une île morte
une dune ou les restes d’un ancien jeu
frappant la vue avec lenteur
précipice d’un ciel blanc
sous le choc des signes
parole en ennemie
un rêve non averti y aborda
sur l’extrême bord de l’autre
en mal de miracles
l’ignorance est un jeu pour lui
la mémoire lui est peu charitable
festin de rêves
images de demain
là-bas sa tête lourde
est libérée

 

**

Hauts propos de l’âne oui
hoche aux os du vit
n’amassant ni mousse mais que de terre
dégoupillant la paupière
pauvre spirale vers la lumière
qui sait se perd en profondeur
sème se mordre la terre
mère sans commencement
il tête ses propres naseaux
le parapluie rêvé est troué
sans voir il ne peut pleurer
sa voix s’est répandue dans les racines
espérer même est une nuit oubliée
tourner la tête ou croire peut-être
partout cette illusion que le jour est neuf
bien que l’œil reste le même
au creux d’un os de passage
croire que le sang ne soit jamais semblable
mais que l’hybride se lève enfin
sur une bouche vivante

 

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Fabien Leriche, né en 1982, vit entre une forêt de Nièvre, le Limousin et l’île de Patmos ; géologue, puis chanteur lyrique, auteur de poèmes (Repas sauvage, éditions La Dragonne / revues Hauteurs, N4728, Dehors, Poezimuziketc… / Livres pauvres), de pièces théâtrales (Ein Vis-à-vis, Saints-François – créations à l’opéra de Limoges) ; écrit pour entendre l’histoire éternelle, le continuum de la ligne qui brise tout travestissement, retrouver sous le silence le secret des sources, dans le bref instant de soi.

 

 

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