Mokhtar El Amraoui

 

Mon amour

La vérité, pour se dire,
Embrasse tes lèvres.
Le soleil, pour briller,
Doit, chaque jour, se lever,
Des rayons de ton ombre.
Les étoiles, en colliers, se bousculent sans nombre,
Pour venir, assoiffées, boire, à ton cou, les coupes de lumière
Sans lesquelles elles ne seraient que constellations sombres.
Quand leurs ailes se déploient,
Les oiseaux imitent ta voix,
Pour chanter mon amour pour toi,
Ses peines et ses joies.
Les dunes, en courbes, s’échinent dans tous les sens,
Pour imiter tes hanches qui, à chaque pas, dansent.
Jalouses de toi, toutes les mers, en colère, divaguent
Et des fléaux de leurs vagues,
Fouettent rageusement les cieux
Qui ont caché, dans l’écrin de tes yeux,
Les diamants les plus précieux.
Et moi, mon amour,
Depuis toujours,
De tous les joyaux de la terre,
C’est ton cœur que je préfère !

 

Nos morts

Nos morts aussi ont leurs caprices,
Quand ils explosent les miroirs
Et circulent dans les veines
De nos eaux et feux !
Leur air emprunte sa musique
A la composition d’un ciel porté
Par leurs épaules qui tracent encore
Une géométrie d’herbes et de rencontres.
A certaines heures calcinées,
La mémoire sait aussi taire
Ses inutiles clameurs pour leur ouvrir,
En douce discrétion, d’autres portes.
Et débute, à rebours, le cri des pas
Dansant le feu et les cœurs
De leurs photos offertes à nos soirées !

 

Ailes de fantômes

Comment encore la dire, elle,
L’absente lettre
Ou danse des lèvres
Des mots suspendus
A tes yeux sonores ?
Ils culbutent ma transe.
Un silex, oui, de déroute,
C’est-à-dire de retrouvailles !
Je n’attendais de toi
Que cette main tendue
Regardée en nos éveils !
Ton hier, quand tu étais vêtue d’étoiles vertes.
Tes yeux me rêvaient, dans mon silence,
Comme des feuilles de citronnier
L’or d’un ciel visage
Te disant sur le rivage d’autres quais.
Cri de précipices !
Tu rends hommage à l’hirondelle
Qui t’a poinçonné le sein en masques d’adieux.
Prendre juste un mot
Puis descendre, avec, dans le puits
De chaque lettre et venir
A l’ombre de ses fugues, tes fulgurances !
Les sourires de ton regard,
Quand tu m’aimes, mort bleue !
Comme le rire de cette impossibilité,
Note distance calculée en caresses
Chaussée de souvenirs
Et ailes de fantômes !

 

Poèmes extraits de « Le souffle des ressacs »

 

 

   Mokhtar El Amraoui est  poète d’expression française né à Mateur, en Tunisie, le 19 mai 1955. Il a enseigné la littérature et la civilisation françaises pendant plus de trois décennies, dans diverses villes de la Tunisie. Passionné de poésie, depuis son enfance, il a publié, en 2010, un premier recueil « Arpèges sur les ailes de mes ans » et un second, en 2014, « Le souffle des ressacs ». Un troisième et un quatrième, en 2019,  respectivement «  Chante, aube, que dansent tes plumes ! » et « Dans le tumulte du labyrinthe ».