Entonymes
Qu’est-ce qu’un « entonyme » ? C’est le résultat d’une greffe de vocabulaire, qui opère un croisement entre deux mots et permet de générer une nouvelle proposition lexicale. Suivant l’exemple d’une greffe classique, nous pourrions employer pour l’un le terme de donneur et pour l’autre celui de receveur, si en réalité chacun des deux vocables ne se nourrissaient mutuellement de leur matière sémantique. C’est un art de l’alliance et de l’hybridation qui révèle une occurrence singulière, s’appliquant à un objet communicationnel non identifié, un « amalgamot », en quelque sorte…
En vrai, c’est un procédé très anciennement connu, dont Lewis Carroll est, sinon l’inventeur, le plus célèbre praticien (après Rabelais tout de même, et avant lui, Aristophane, « fabricateur génial » de mots, selon l’expression de Victor-Henry Debidour, qui dans son travail de traduction de l’auteur grec en vit jaillir « comme sauterelles dans les herbes sèches »). Quantité d’auteurs ont eu recours à ce système, ainsi Edgar Poe qui crée le mot « anonymosité » pour qualifier l’attitude d’un critique qui l’a calomnié sans divulguer son nom. On voit bien que ce mot s’applique à un cas pour lequel il est spécialement désigné. En langue française, le produit de cette méthode est appelé diversement mot-valise ou mot à tiroir, ou encore mot-chimère, dénominations peu satisfaisantes de mon point de vue. Bien qu’il soit homonyme des mots contraires, dits antonymes, et donc quasi identique dans sa constitution, je leur préfère un autre mot-chimère issu de l’horticulture, puisqu’il s’agit bien d’une certaine culture de langage, dont je me plais à observer l’éclosion subreptice et sonder les secrètes ramifications. « L’ente contribue à faire du jardin potager-fruitier un lieu de merveilles », dit Florent Quellier dans son Histoire du potager (éditions Armand Colin, Paris, 2012).