Patricia Suescum

Photographie MA Real

Extraits de  L’équation des somnambules, Tarmac 2022

À ne voir l’Autre que sous le prisme du désir, un pan d’obscurité se détache de l’œil et couvre les trois quarts de l’être.

La chair m’inflige ses assauts dont je suis lasse; la question reste en surface, dérive sans capter mon attention.

Et parce que je ne suis pas ce que l’on veut voir de moi, je détourne le regard et cherche en vain le terrain vierge de constructions massives, où la place offerte n’est pas celle d’une statue gigantesque créée par la main de l’homme.

Que l’on me donne autre chose à entendre que le chant du coq, aussi criard qu’un réveil matin. J’aspire au calme de la conversation.

La femme déborde, l’être vivant s’ennuie.

***

L’existence, comme une bouche aux lèvres flasques, récitant sa contre-prière. Il est trop tard pour mourir de paroles, je crève de cette insuffisance. Je crève d’avoir tenu la vie pour sacrée et brise le sceau du silence sur la stèle d’un pendu.

Grouille la vermine sur ma tempe trouée, remonte la trajectoire des courses folles !

Les hémisphères se confondent. L’oiseau chute à la cime, coupé en deux par un fil séparant les mondes.

Je n’échappe pas aux migrations, je vole comme d’autres hurlent, je sais le prix du sang sur ces hauteurs. Je savoure l’horizon comme un fruit rouge et mûr.

Crucifiée, l’innocence, troquée contre un cri d’aigle. Perce le mystère de ce grand néant où s’échoue ma pensée.

Tout ce qu’il faut être dans l’apothéose du chaos.

***

Ciel défroqué, ciel maudit, ramasse ton horizon, avale tes pénitences !

Il n’y a plus de place au paradis. Je broie tes fausses promesses entre mes mains jointes, j’appelle l’enfer rôdant derrière la porte. Qu’il fasse de moi ce qu’il voudra.

Une marionnette sans âme, une tempête aphone. Pourvu que je ne ressente plus le poison d’un soleil mort se diluer dans mes veines. Oublie la chaleur, le doux réveil des sorciers transformant l’horreur en cathédrale où je prie la vie.

Qu’une chance me soit donnée, une dernière chance de réduire le mal en servitude. Pendue sur un fil de misère, mordue par le blizzard, jouant d’équilibre factice.

Lâche tes ailes fantoches et tombe !

***

Patricia Suescum, née en décembre 1973 à Nîmes, vit et travaille en Auvergne.

Publications ( recueils ) :
L’Etreinte du Vide – Je suis la nuit, Ed Rafael de Surtis, 2017
Mauvaise Herbe, Ed Rafael de Surtis,2018
A l’heure où les fauves dorment, Citadel Road 2019
L’équation des Somnambules, Ed Tarmac,2022

Publications (Revues)

-Possibles
-Décharges
-L’ardent Pays
-Terre de femmes
-Terre à ciel
-Journal des Poètes
-Diérèse
-Pages paysages
etc…

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