Traductions: « valenciano »-français (1/11): Beatriz Marrodán Verdeguer

Nous avons le plaisir de vous présenter sur oupoli.fr une série de poèmes écrits par des poètes de la région de Valencia (Espagne). Ils ont été écrits en « valenciano », langue officielle qui cohabite avec l’espagnol dans cette Communauté Autonome. Certains poètes apparaissent dans la revue Val/15, publication parrainée par l’Université de Valencia et à laquelle a également participé Beatriz Marrodán Verdeguer.
Il s’agit d’un double travail de traduction: Beatriz Marrodán Verdeguer a traduit les textes du « valenciano » à l’espagnol, et ensuite j’ai fait la traduction vers le français.
Ces textes avaient été lus à la Librairie-Café « La pluie d’été » à Pont-Croix (29) le dimanche 19 mars 2023.
Bonne découverte!
Miguel Angel Real

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Beatriz Marrodán Verdeguer (née en 1999)

Agulles de la carn

No sabia que les agulles carregaren amb silencis,
ni que el reflex negociara amb la mentida.

No entenc com no em vaig adonar abans,
de com els pentagrames també poden enfoncar,
com uns cables on es posen els ocells,
com amb el corrent de somnis mullats.

No entens, i llavors,
aprens a viure amb un mateix,
a viure amb la impotència
que es desfà entre els dits,
a viure del conte
sense una màscara de consciència.

A vegades,
és millor cosir les pestanyes a la carn,
tapar-li les oïdes a les entranyes per a no pensar:

Quanta vida perdré guanyant-me la vida?

Vull ser el fum blanc del núvol negre
que s’alça lleuger,
fuig i es dissol,
s’esborra i apareix en una altra cançó.

És difícil obviar les cursileries engorjades en els renyons,
tapar la boca al que s’espera,
la línia que has de teixir,
quan ens han vessat en la gola del món.

I jo esquive i esquive l’aire,
desafine els sospirs,
i ningú m’entén.

No sé parlar aquella llengua que creen mentre parlen.

A vegades,
em passege entre xiuxiuejos,
i faig negres traços per a entendre
que la pell són cortines del temps.

Aiguilles de la chair

Je ne savais pas que les épingles portaient des silences,
ni que le reflet marchande avec les mensonges.

Je ne comprends pas comment je ne m’en suis pas rendue compte avant,
comment les portées musicales peuvent aussi étrangler,
comme les fils où sont perchés les oiseaux ,
comme le courant des rêves humides.

Tu ne comprends pas, et alors,
tu apprends à vivre avec toi-même,
à vivre avec l’impuissance
qui fond entre tes doigts,
à vivre sur le dos des autres
sans aucun masque de conscience.

Parfois,
il est préférable de coudre les cils à la chair,
de boucher les oreilles aux entrailles pour ne pas penser :

Quelle part de ma vie vais-je perdre à la gagner ?

Je veux être la fumée blanche du nuage noir
qui s’élève légèrement,
s’enfuit et se dissout,
puis s’efface et apparaît dans une autre chanson.

C’est difficile d’éviter les mièvreries coincées dans tes reins,
de fermer la bouche de ce que l’on attend,
la ligne que tu dois tisser
quand on a été versé dans la gorge du monde.

Et j’esquive et j’esquive l’air,
je désaccorde les soupirs,
et personne ne me comprend.

Je ne sais pas comment parler ce langage que l’on crée en parlant.

Parfois,
j’erre entre les chuchotements,
et je tire des traits noirs pour comprendre
que la peau est un rideau du temps.

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Al cel gris

He conegut la perfídia del seu blau,
les seues fal·làcies cosides amb pedaços grisencs,
color eternal d’una elegia
que es declina entre els raigs
i abraça la pena dels poetes amb els seus núvols.

Hui el cel ha decidit descansar
sobre l’horitzó tornant-se ancià.

Au ciel gris

J’ai connu la perfidie de son bleu,
ses mensonges cousus de lambeaux grisâtres,
couleur éternelle d’une élégie
qui décline entre les rayons
et embrasse de ses nuages la tristesse des poètes.

Aujourd’hui, le ciel a décidé de se reposer
sur l’horizon, en devenant vieux.