Arnaud Rivière Kéraval, Les Paysages ambulants

Arnaud Rivière Kéraval vient de publier aux éditions Ballade à la Lune son premier recueil « Les Paysages ambulants » que nous présente Daniel Malbranque, directeur de la revue La Vie Multiple :

L’âme est un paysage choisi

Pour la troisième fois je referme les Paysages ambulants d’Arnaud Rivière Kéraval, proposés par les éditions Ballade à la Lune. Pour la troisième fois je me dis que les mots ont pouvoir de grâce et force d’invitation au voyage. Dès les premières lignes de ce court recueil, mais ô combien dense (j’aurais pu écrire danse, tant on y ressent les souples ondulations de Shiva Nataraja), dès les premières lignes, disais-je, les mots du poète nous embarquent vers des horizons de parfums et de désirs avoués, inavoués, toujours à fleur de peau.
Car ce qui sous-tend l’écriture voltigeuse d’Arnaud Rivière Kéraval est bien l’émotion. Celle qui fait frissonner l’esprit, qui fait trembloter l’âme et surtout qui fait battre le cœur, quand il soupire d’attendre l’inattendu : rencontre, apparition, espérance, dans le jardin, sur le chemin du temple, partout là où les paysages de l’amour conduisent nos déambulations. Les feuilles qui frémissent sur l’arbre millénaire se font entendre parmi les vers du poète. Et c’est tout son être que l’on pense deviner.

Que feras-tu de mon désir / Grand escamoteur / quand la lune aura couché nos corps / sur le chemin descendant ? interroge le poète dans l’un des plus émouvants poèmes de ce recueil. Il nous confie avec une pudeur fébrile le tréfonds de ses pensées et soudain ces rides de l’âme sont également nôtres. C’est la magie de sa poésie. Arnaud Rivière Kéraval est certainement quelqu’un qui, libéré du poids de toute civilisation, a su écouter, l’orage vient de passer, le doux filet d’un chant d’oiseau faisant prière au renouveau de l’aurore. En conclusion et pour reprendre l’un de ses titres : c’est très beau !
Pour la quatrième fois et pas la dernière, j’entre dans le monde des Paysages ambulants.

Daniel Malbranque

En voici trois poèmes extraits :

JOHAN L’ESPÉRANCE

La rue secrète et l’endormi
une ombre de passage se montre la peau nue
à Johan la sentinelle
criant du fond de la serre inassouvie
« venez lambeaux de chairs
venez vers moi
venez goûter le fruit de l’espoir encore lisse
venez mourir de joie et de vices dans nos corps et mes cheveux »
trois deux un
feu et noir

L’eau des toits dilue le sang encore chaud
du corps égratigné
souillé
prière maintenant
lève le thorax, nombril, poitrine et danse Johan
elle formera la pureté charnelle
elle implorera la nymphe au corps d’argile que la pluie fascinera

elle ne viendra pas
tu t’es consolé dans mes bras
Johan l’espérance
Yûchan m’avait parlé de toi
Minoru Watanabé
restons amis

tu sais que je pars pour l’Inde ?

***

(DE L’ISOLEMENT DES MONDES)

Le soleil envoûte les lueurs d’une faune endormie
se réveillera dans l’obscurité d’une cave aventure
d’où musiques virevoltent, en alvéoles s’étirent
comme la folie débusquée agite la toile des tambours
Rythmes caduques, ventres impatients de se toucher
de l’isolement des mondes
je déploie les forces de la renommée
faufilant silhouettes et parures
À la dérobée toujours se peignent nos désirs
de l’isolement des mondes
je continuerai le vertige cheminement d’un visage
qui me mène, me poursuit dans le froid d’une chambre vide
Vide sous l’écorce des soupirs et tout est à remodeler
de l’isolement des mondes
les vitres se sont fendues
la maison en fuite n’a conquis ni le diamètre ni l’opposé
Ouverture placide et manque de faillir
je retournerai dans la cave monstre, la faune hypocrite
la sueur, les fumées, de ces temps décharnés
me soûleront encore

***

JE SUIS MON HÔTE

Je suis mon hôte
je suis mon passager
le garçon sur la digue
surplombant les années
traversant les terrasses
inondées d’apparences
les pas le chemin les traces
enluminent les planches
comme les stries sur
les angles de la roche
dans la bruine des falaises
le brouillard en accéléré

je suis mon hôte
je suis mon passager
le regard dans les cimes
où viennent s’ébrouer
les voiles de la vertu
laissent le vent
aux myriades du passé
la villa Beauséjour la corniche
dans l’intervalle des dunes
l’estuaire triomphant

je suis mon hôte
je suis mon passager
de fenêtres en escapades
les arcs défilent
vierges de tout serment
profitent à la nuit
du lendemain avide
qui nous surprend

Arnaud Rivière Kéraval, Les Paysages ambulants, éditions Ballade à la Lune, 2023

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