Traductions par Carolyne Cannella: Leopardi, Michel-Ange, Florbela Espanca

Ces cinq poèmes :
_ L’Infinito de Leopardi
_ Deux Quatrains de Michel-Ange
_ Un poème et un Sonnet de Florbela Espanca
ont été traduits de l’Italien et du portugais par Carolyne Cannella.

 

G. Leopardi (1819)

Puissance du regard contemplatif…
L’infinito est l’un des Canti de Giacomo Leopardi
dont la mouvance nous entraîne dans une cantilène
à la beauté incantatoire.

L’infinito

Sempre caro mi fu quest’ermo colle
E questa siepe che da tanta parte
De’ll ultimo orrizonte il guarde esclude.
Ma sedendo e mirando interminati
Spazi di là da quella, e sovrumani
Silenzi, e profondissima quiete,
Io nel pensier mi fingo, ove per poco
Il cor non si spaura. E come il vento
Odo stormir tra queste piante, io quello
Infinito silenzio a questa voce
Vo comparando; e mi sovvien l’eterno,
E le morte stagioni, e la presente
E viva, e’l suon di lei. Così tra questa
Immensità s’annega il pensier mio:
E’l naufragar m’è dolce in questo mare.

L’infini

Toujours me fut chère cette déserte colline
Et cette haie qui de toute part
Cache l’horizon ultime.
Mais immergé à l’infini
En si profonde quiétude
Je contemple ces espaces
Et recrée de surhumains silences
Mon coeur chavire au bruissement des feuilles
Et le silence, et cette voix qui s’entrelacent
Me relient à l’éternel
Aux saisons révolues
Et à ce temps présent, vif en son chant.
Ainsi, dans cette immensité
S’abîme ma pensée;
Et comme il m’est cher ce doux naufrage.

***

Deux Quatrains de Michel-Ange

Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni dit Michel-Ange.
Toute l’âme de Michel-Ange est contenue dans ses ‘canzoni’, sonnets, madrigaux, tercets, et quatrains. Il y confie ses pensées, ses émotions et, de la part de ce titan, cela nous émeut.
Son cœur désabusé des choses terrestres s’anime (tiens un beau contrepoint)… il connaît la saveur du néant !

I

Sol io ardendo all’ombra mi rimango,
Quand’el sol de’suo razzi el mondo spoglia :
Ogni altro per piacere, e io per doglia,
Prostato in terra, mi lamento e piango

Dans le noir, seul, je me consume,
À l’heure où le soleil soustrait au monde sa lumière :
Par plaisir certains se courbent à terre,
Moi, je gémis et pleure en ma douleur

***

Ce quatrain écrit par Michel Ange (il s’agit là de ma traduction en alexandrins), est une réponse à un poète courtisan de son époque qui avait fait l’éloge en vers de sa sculpture prête à s’éveiller et à s’animer.

II

Caro m’è il sonno, e più l’esser di sasso
Infin che il danno e la vergogna dura.
Non veder, non sentir m’è gran ventura,
Però non mi svegliar, deh, parla basso.

Dormir m’est cher, et plus encore être de pierre
Aussi longtemps que durent et la honte et l’injure
Ce m’est grand bonheur de ne voir ni de sentir
Ne daigne m’éveiller, de grâce parle bas

 

***

Florbela Espanca

Florbela Espanca, nom littéraire : Florbela da Alma da Conceição (1894-1930), était une poétesse portugaise, auteur de sonnets et de nouvelles importantes de la littérature portugaise. Elle a été l’une des premières féministes au Portugal.
Sa poésie est connue pour un style particulier, à fort contenu émotionnel, où la souffrance, la solitude et le  désenchantement s’allient au désir d’être heureux.

 

Ser Poeta

É ter de mil desejos o esplendor
E não saber sequer que se deseja!
É ter cá dentro um astro que flameja,
É ter garras e asas de condor!
É ter fome, é ter sede de Infinito!
Por elmo, as manhãs de oiro e de cetim…
É condensar o mundo num só grito!
E é amar-te, assim, perdidamente…
É seres alma, e sangue, e vida em mim
E dizê-lo cantando a toda a gente!

Être Poète

C’est avoir mille voeux de splendeur
Sans même savoir ce que l’on désire !
C’est avoir en soi une étoile flamboyante,
Avoir des griffes et des ailes de condor !
C’est avoir faim, avoir soif d’Infini !
Pour diadème, les matins d’or et de satin…
C’est condenser le monde en un seul cri !
Et c’est t’aimer, ainsi, éperdument…
C’est l’âme, le sang et la vie en moi
Et le dire en chantant à tout le monde !

 

***

Os versos que te fiz

Deixa dizer-te os lindos versos raros
Que a minha boca tem pra te dizer!
São talhados em mármore de Paros
Cinzelados por mim pra te oferecer.

Têm dolência de veludos caros,
São como sedas pálidas a arder…
Deixa dizer-te os lindos versos raros
Que foram feitos pra te endoidecer!

Mas, meu Amor, eu não tos digo ainda…
Que a boca da mulher é sempre linda
Se dentro guarda um verso que não diz!

Amo-te tanto! E nunca te beijei…
E nesse beijo, Amor, que eu te não dei
Guardo os versos mais lindos que te fiz!

 

Les vers que j’ai faits pour toi

Laisse-moi te dire les beaux vers rares
Que ma bouche doit te dire !
Sculptés dans le marbre de Paros
Par moi ciselés pour te les offrir.

Ils ont mal à cause des velours chers,
Ils sont comme de pâles soies brûlantes…
Laisse-moi te dire les beaux vers rares
Faits pour te rendre fou !

Mais, mon amour, je ne t’ai pas dit encore…
Que la bouche de la femme est toujours belle
Si elle garde en elle un vers qu’elle n’a pas dit !

Je t’ aime tant! Et jamais ne t’ai embrassé…
Et dans ce baiser, Amour, que je ne t’ai donné
Je garde les plus beaux vers que pour toi j’ai fait !

in « Livro de Sóror Saudade « 

Traduction : © Carolyne Cannella

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Musicienne-concertiste, enseignante artistique , guitariste-luthiste, auteur, poète, linguiste, traductrice, récitante, Carolyne Cannella est l’auteur de cinq recueils. Elle s’exprime sous différentes formes : poésie, prose, journal, pensées, fragments, aphorismes, et sous formes brèves : Tercets, Quintils, Haïkus et Tankas, pratiquant des structures proches des poèmes chinois ou japonais, où tout est évoqué, suggéré, prônant la
beauté de l’éphémère.
Lauréate du Grand Prix Charles Le Quintrec 2018 dans la catégorie Haïku, ses poèmes et traductions sont parus dans plusieurs revues et anthologies.
Récitante, elle participe à plusieurs festivals poétiques, et fut conviée aux «Rencontres Poètes pour la Paix » à la Maison de l’Amérique Latine à Paris.
Une conférence fut donnée au S.I.E.L de Paris – Salon International des Expressions Libres -occasion pour elle d’évoquer ses thèmes de prédilection : musicalité, rythme et cadence du vers libre.
Elle se produit en récital où elle donne l’ensemble de ses poèmes au son de la viole de gambe.
Elle a créé son Anthologie des Poètes du Monde où elle offre, en tant que récitante, ses lectures de poèmes et traductions sur sa chaîne Youtube : GataXanga dont voici le lien : https://www.youtube.com/user/xangagata/videos

Bibliographie
Recueils/ Editions de l’auteur :

Immuable surgi,  LGR
Hommage au Japon, Aga- L’Harmattan
Parcelles d’infini, Alcyone
De Passacailles en Barcarolles, Jacques Flament
Obscur éclat, éd. Unicité
Arabesques purpurines, éd. du Cygne
L’instant s’étoile sur l’envol du temps, éd. Unicité

Site web :
https://sites.google.com/site/artisteauteuractricemusicienne/biographie-de-lartiste-po%C3%A8te-auteur-com%C3%A9dienne-r%C3%A9citante-traductrice-musicienne?pli=1