Traductions – José Gabriel Cabrera Alva (Pérou)

Poèmes du recueil inédit El libro de hielo

 

No recuerdo bien. Esto viene de una de las zonas averiadas del lenguaje. Intento reconstruir a partir de fragmentos.
Este fragmento es una tumba.
Esa tumba de lenguaje no existe más allá del pensamiento.
Averiada, vacía, es a su manera una representación del absoluto.
Intento reconstruir precisamente desde esas ruinas.
Lo oscuro se desata de sí mismo. La rueda rota ya no gira. Se inclina lenta, inexacta, desde un borde de aparente quietud.
He esperado por mucho tiempo ese fragmento de vacío.
Esos bordes donde las palabras se reclinan hasta transformarse en abismo.
Las ruinas del lenguaje son la única forma en la que consigo expresarme.
Esos fragmentos en cierta forma me anteceden y a la vez son lo único que queda de mí.
No quiero volver a reconstruir nada más que no sea este lenguaje descentrado.
El vacío atasca mi pensamiento.
La quietud es otra forma de la avería.
Intento respirar, pero es como si tuviera una piedra afilada en los orificios de la lengua.

Je ne me souviens pas bien. Cela vient d’une des zones de rupture du langage.
J’essaie de le reconstruire à partir de fragments.
Ce fragment est une tombe.
Ce tombeau du langage n’existe pas au-delà de la pensée.
Brisé, vide, il est à sa manière une représentation de l’absolu.
J’essaie justement de le reconstruire à partir de ces ruines.
L’obscurité est déliée d’elle-même. La roue cassée ne tourne plus. Elle s’incline lente, inexacte, à partir d’un rebord de calme apparent.
J’ai longtemps attendu ce fragment de vide.
Ces rebords où les mots s’inclinent jusqu’à devenir des abysses.
Les ruines du langage sont la seule façon pour moi de parvenir à m’exprimer.
Ces fragments me précèdent en quelque sorte et sont en même temps la seule chose qui reste de moi.
Je ne veux pas reconstruire autre chose que ce langage décentré.
Le vide encombre ma pensée.
L’immobilité est une autre forme de dérangement.
J’essaie de respirer, mais c’est comme si j’avais une pierre pointue dans les trous de ma langue.

 

***

¿qué quiere ese animal que da vueltas
alrededor de las piedras congeladas?
¿es una obstrucción más de la luz?
¿es acaso la sin rostro que nos ronda
con las alas manchadas de sangre?
la bestia alada se precipita
da cornadas contra la ventana
es un enfisema de los ojos
esos ojos nos miran
su alarido pareciera burlarse de nosotros
de nuestros cuerpos desnudos
en esta playa de nieve
¿acaso sabe que ya vas a morir?
¿de tus muslos muertos
dentro del corazón que aún palpita?
¿es acaso un signo de tu sexo enfermo
en el que sin embargo me precipito?
veo a ese animal bifronte como si fuese la muerte
el animal se acerca

 

que veut cet animal qui tourne
autour des pierres gelées ?
est-ce juste un autre obstacle à la lumière ?
est-ce la sans-visage qui nous hante,
ses ailes tachées de sang ?
la bête ailée se précipite
elle frappe avec ses cornes contre la fenêtre
c’est un emphysème des yeux
ces yeux nous fixent
leur hurlement semble se moquer de nous
de nos corps nus
sur cette plage enneigée
sait-elle que tu vas déjà mourir ?
connaît-elle tes cuisses mortes
à l’intérieur du coeur qui bat encore ?
est-ce un signe de ton sexe malade
où je me précipite pourtant ?
je vois cet animal à deux visages comme si c’était la mort
l’animal s’approche

 

***

cierro tus párpados
no te veo en el mundo verdadero
pero estás en ese mundo
prisionera de la irrealidad
pero estás
te veo en ese torrente de luz
entre pájaros carnívoros
el nudo del lenguaje no tiene ser
esos párpados son un nudo
veo los escombros de ti
esa pared arañada
donde aún hay alaridos
estás adherida a estas paredes
como una mancha de sangre
tu realidad no es lingüística
tu irrealidad sí lo es
siento tu respiración
su oscuridad no es un silogismo
es presencia pura de la muerte
oye esa oscura música
porque habrá de matar

je ferme tes paupières
je ne te vois pas dans le monde réel.
mais tu es dans ce monde
prisonnière de l’irréalité
mais tu es
je te vois dans ce torrent de lumière
parmi des oiseaux carnivores
le noeud du langage n’a pas d’être
ces paupières sont un noeud
je vois les décombres de toi
ce mur éraflé
où il y a encore des hurlements
tu es collée à ces murs
comme une tache de sang
ta réalité n’est pas linguistique
ton irréalité l’est
je sens ton souffle
sa noirceur n’est pas un syllogisme
c’est la présence pure de la mort
entends cette musique sombre
parce qu’elle va tuer

 

***

José Gabriel Cabrera Alva
Né à Lima, Pérou, en 1971.

Il a étudié la littérature à l’Université Nationale Mayor de San Marcos et les beaux-arts à la Pontificia Universidad Católica del Perú et au Centro Cultural de la Universidad Nacional Federico Villarreal. Il a été directeur du magazine littéraire Ajos & Zafiros. Il a publié les recueils de poésie El libro de los lugares vacíos, Canciones antiguas, Ombligo de ángel et Del mal amor. Certains de ses poèmes sont apparus dans diverses publications nationales et internationales, dans des revues spécialisées et des journaux, ainsi que dans des anthologies. Il a également traduit au français plusieurs poètes.