Traductions – Jorge M. Molinero (Espagne)

JORGE M. MOLINERO, La ceguera del lanzador de cuchillos, Ed. Páramo, 2022

Traduction par Miguel Ángel Real

N.D.T. Les titres des poèmes du recueil, lus les uns après les autres, forment le poème numéro 92 du livre The energy of slaves de Leonard Cohen, dans sa version espagnole, de sorte qu’il est difficile d’isoler les poèmes par rapport à l’ensemble de l’oeuvre. Par ailleurs, les mots des titres son réutilisés dans chaque poème et ne prendraient sens qu’après une lecture de l’ensemble des poèmes. Ma traduction essaye de tenir compte de cette structure innovante.

 

QUE EL

Las crías de sioux cazan lagartijas Las crías de sioux
Así les llama                                                  Buffalo Bill

que el color de la gran ola
no lo siento mío
Prefiero abrazar la bandera
de un país que no existe

Delimito sus fronteras
con manos abiertas y
madreselvas pues
me parecen palabras hermosas

Un pais con la orografía
de esponja que se haga grande
con la lluvia y acoja todos
los sueños rotos de las patrias falsas

                                                                                 Teníamos el fuego
                                                        Eran de cera sus palacios

 

CAR LA

Les rejetons des Sioux chassent des lézards Les rejetons des Sioux
C’est ainsi que Buffalo Bill                                     les appelle

car la couleur de la grande vague
je n’ai pas l’impression que c’est la mienne
Je préfère embrasser le drapeau
d’un pays qui n’existe pas

J’en délimite les frontières
avec des mains ouvertes et
des chèvrefeuilles car
je trouve que ce sont de beaux mots

Qu’un pays à l’orographie
d’éponge puisse devenir grand
grâce à la pluie et accueillir tous
les rêves brisés des fausses patries

                                                                   Nous avions le feu
Ils étaient en cire leurs palais

 

***

 

PARA DECIR ESTO

Que no callen al que clama a la danza de la lluvia
que salmodie en rubato nuestra nimiedad

 

Que no disparen al pianista del saloon que el
estruendo
atormente nuestros silencios que no indulten al
poeta que muera y hablen los gusanos

Que no encaucen el agua que arrastra nuestros
temores que no apaguen el fuego donde arden
los futuros perfectos que no exorcicen a los
demonios con el vómito desnutrido que al
monstruo no le encierren que el carnicero siga
vendiendo sangre que exploten los talleres
donde fabrican el dinero
que caigan al cesto las cabezas con sombrero
de vaquero que cercenen nuestras manos y nos
injerten pinceles que
nos siga incomodando la victoria Que no callen
al que clama a la danza de la lluvia que siga
escupiendo nuestro miedo que no falte

Que no nos falten la derrota y el fracaso

Para decir esto de « dejad
que los niños se acerquen
a mí » no hacía falta
tanta pantomima

                                                                    Teníamos el fuego
Eran de cera sus palacios

POUR DIRE CECI

Qu’on ne fasse pas taire celui qui appelle la danse de la pluie
qu’il psalmodie en rubato notre petitesse

Qu’on ne tire pas sur le pianiste du saloon que le
vacarme
tourmente nos silences qu’on ne gracie pas le
poète qu’il meure et que les vers ne parlent pas

Qu’on ne canalise pas l’eau qui charrie nos
craintes qu’on n’éteigne pas le feu où brûlent
les futurs parfaits qu’on n’exorcise pas les
démons avec les vomissements dénutris que le
monstre ne soit pas enfermé que le boucher continue
à vendre du sang qu’on exploite les ateliers
où l’on fabrique l’argent
que les têtes avec des chapeaux de cow-boy tombent dans le panier
qu’on nous coupe les mains et qu’on nous
greffe des pinceaux
que la victoire continue de nous incommoder Qu’on ne fasse pas taire
celui qui appelle la danse de la pluie qu’il continue
de cracher notre peur sans faille

Que la défaite et l’échec ne nous manquent pas

Pour dire ceci  » laissez
les enfants venir
à moi » on n’avait pas besoin
de tant de simagrées

                                                                         Nous avions le feu
Ils étaient en cire leurs palais

 

***

 

MÁS FEO.

Maldigo la fidelidad del perro apaleado que
muerde al que en su mano lleva la cizalla que
corte sus cadenas y mata por quien le sisa de su
desmigado chusco de pan A ellos les negaré el
privilegio
de los nombres dignos que a los animales les
damos Serán llamados con la innata vulgaridad
de los humanos Por allí va José Antonio Ojero
Izquierdo oliendo los culos de los perros
grandes

más feo. LA BELLEZA no es subjetiva
Es la excusa de los que nos vemos feos
EL HORROR tampoco es subjetivo
Es la coartada de los políticos
El viejo y gangoso profesor
de sociales nos mandaba repasar
con rotulador rojo las fronteras de Europa
La maestra de música siempre era dulce
La belleza no es subjetiva te
pellizca los párpados
El horror no es subjetivo se
asfixia en los bajos de un camión
corta el espino de las alambradas
Nada hay de subjetivo en Sofia Loren
Nada hay de subjetivo en el azul de los ojos
de la niña siria que acaba de entrar
en esta Europa sin brazos

                                                                 Teníamos el fuego
                                           Eran de cera sus palacios

 

PLUS LAID

Je maudis la fidélité du chien battu qui
mord celui qui dans sa main porte les ciseaux qui
coupent ses chaînes et qui tue pour celui qui lui vole
son croûton de pain émietté Eux je leur refuserai le
privilège
des noms dignes que nous donnons aux
animaux Ils seront appelés avec la vulgarité innée
des humains  Voilà José Antonio Ojero
Izquierdo qui renifle les culs des gros
chiens

plus laid. La BEAUTÉ n’est pas subjective
C’est l’excuse de ceux d’entre nous qui se trouvent laids
L’HORREUR n’est pas subjective non plus
C’est l’alibi des politiciens
Le vieux professeur d’Histoire-géo à la voix nasillarde
nous disait de bien marquer
au feutre rouge les frontières de l’Europe
La professeure de musique était toujours gentille
La beauté n’est pas subjective elle te
pince les paupières
L’horreur n’est pas subjective
elle s’étouffe sous le châssis d’un camion
elle coupe les barbelés
Rien de subjectif chez Sophia Loren
Rien de subjectif dans le bleu des yeux
de la jeune Syrienne qui vient d’entrer
dans cette Europe sans bras

                                                                    Nous avions le feu
Ils étaient en cire leurs palais

 

***

 

PATRIOTA

Seguimos viendo absortos el anuncio de Fa En
un absurdo bucle infinito pasamos a cámara
lenta una y otra vez el momento en que enseña el
pezón Sabrina Salerno
Somos el pueblo que riega con sangre sus tierras
y no se preocupa luego de recoger los frutos

patriota. En más de mil poemas
más de mil definiciones de Patria

He aquí la mía:
mi Patria soy yo Y
cada vez que me miro
al espejo
deseo el exilio
o la independencia

                                                                      Teníamos el fuego
                                                         Eran de cera sus palacios

 

PATRIOTE

Nous continuons à regarder bouche bée la pub Fa Dans
une absurde boucle infinie nous regardons au ralenti
encore et encore le moment où Sabrina Salerno
montre son téton
Nous sommes le peuple qui arrose sa terre avec du sang
et qui ensuite ne prend pas la peine d’en récolter les fruits

patriote. Dans plus de mille poèmes
plus de mille définitions de la Patrie

Voici la mienne :

ma Patrie, c’est moi ET
chaque fois que je me regarde
dans la glace
je souhaite l’exil
ou l’indépendance

                                                                     Nous avions le feu
Ils étaient en cire leurs palais

 

***

                              Le poète se présente :

Molinero est
un astéroïde

numéro 1826

On ne sait pratiquement rien à son sujet

Maintenant je comprends tout

Ce silence
d’un assourdissant éloignement
dans les listes nationales de poètes
qui ont quelque chose à dire