J’ai toujours imaginé depuis que je suis gosse qu’il existait parmi nous des hommes ou des femmes qui avaient le pouvoir de faire entendre leur pensée sans qu’on les identifie dans la foule; des musiciens ou des poètes ventriloques qui auraient ce don d’amplifier les notes ou les mots qui dansaient dans leur tête. J’ai toujours cru qu’un jour je serais l’un de ces sorciers. Alors, à chaque fois que j’en ai l’occasion, je sème au vent ce qui s’agite et prend forme à l’intérieur de moi, et comme un félin à l’affût je scrute les réactions de mes semblables…
Marc de café
Baisers empaillés
Paupières qui baillent
Rai de lumière timide
Souvenir de ses reins
Tuer le silence
Sonder les courbes coton
Dans les failles des draps morts
Rappeler les rêves
Chassés sans raison de leurs terres
Et qui s’éteignent
Dans les gorges d’un exil sans nom
Avaler son souffle
Dans le noir brûlant
Du café solitaire
Et la perdre à nouveau
dans la calligraphie du marc
***
Berceuse d’Anatolie
Les draps froissés
Accueillent la lune
Et ma voix sans armure
Se mêle au crépuscule
Le murmure des pages
recouvre à peine la rumeur de sa respiration
Entre chaque mot chuchoté
A travers les feuilles d’un miroir sans tain
Son regard s’accroche au mien
Ses lèvres reproduisent lentement ma voix
Sa tête se renverse et je murmure
La prose l’enveloppe
Ses tempes se relâchent
Et très lentement
Ses yeux s’ouvrent quand ma voix s’enfuit
La voilà plongée dans un sommeil de craie
Je poursuis son ombre sur le blanc des murs
qui renaissent à l’aube
***
Cabane
En façade
Vie ordinaire
Plaisirs fades
Grains de poussière
Dans la cabane
S’effeuille l’armure
Mémoire de femme
Le miroir sans voix
Libère son ombre
des sables mouvants
bouches ouvertes
eau de sel
peau de lait
écumes de ciel
La fenêtre troublée
Laisse s’émouvoir
Les regards
et les souffles égarés
Bas de soie
Nuque renversée
Le plancher fendu
Cambre ses lames
sur son corps nu
Ventres
Noyés dans les frémissements
de ses cheveux d’ambre
Dimanche
Bercé par les soubresauts
Et les songes infinis
***
Pour Samuel THYRION, né en 1974, écrire et marcher se confondent.Piéton-poète, il écrit avec l’œil, le corps, le cœur pour tenter d’exprimer les névroses, les cris, les images, les parkings de supermarché, les désirs d’exil, de beauté, de liberté et d’altérité…Errance poétique de l’ordinaire à travers les chemins de l’enfance et le présent de la vie des hommes. Les poèmes appartiennent, dit-il, à ceux qui les lisent. Son premier recueil, Une robe de vent hagard cherche une maison d’édition.