Arnaud Rivière Kéraval

 

INCANTATION

Viens, viens me rejoindre à la lagune
Là où mon être ardent ne sera plus qu’un regard
Toi aussi à ton tour tu pourras les voir
Dans l’eau de la profonde les poissons affolants
Les pics insatiables où la beauté s’attarde
Viens voir, cours le long de la plage
Regarde les ombres noyées dans le soleil
Couleurs vives, veines impénétrables
Voix des perles sableuses au creux des cônes
La lumière andalouse effleurera
Ton corps souple et diaphane
Oublie la poussière des songes
Rien n’est plus songe, nous voyons tout
La vie coule un chenal aérien
Oui, viens à mes messes catastrophiques
Viens me voir là où je repose.

 

LA PLAGE

Le vent léger sur le derme,
L’accointance à son apogée,
Le corps se multiplie
Comme autant d’images décalcomanies
Le soleil éther et la joie de l’aventure,
La chaleur envahit les cristaux et les subtilités,
Traversant le jaune, irradiant l’armure
L’eau se fait suave et saltimbanque,
Elle court sur les nuages et disparaît,
Livrés à l’humide, les soubresauts du manque
Quand la force des orgues lumineuses
Se courbe vertige à bon port,
Et la plage, encore
Est métamorphosée.

 

LA VILLE

D’élucubrations aériennes en emphases garudesques
Les âges s’invectivent, les gratte-ciels se défient
Aucune allégorie, aucune extase ici
Je jette mon dévolu sur une lumière
Un flux débonnaire dans la rue
Qui me résiste, qui m’attire
Malgré le fil dédale, je reste ardent
S’enfuient les âpretés comme les faux-semblants
Sur le bitume nu mes pérégrinations
Je te vois en face, je traverse, convaincu
Que le monde et les astres demain encore s’illumineront
Les néons, les feux, les chimères
Idolâtrent le présent, insultent leur vécu
Tu me souris le long des artères
Et nous prîmes d’assaut la ville est mon royaume déchu.

 

Arnaud Rivière Kéraval est né en 1972. Originaire de Bretagne, il a vécu de nombreuses années en Inde et au Népal. Pendant longtemps il fut peu enclin à la publication, ne sachant pas surmonter les affres de voir ses textes figés comme dans le marbre. Car il a la fâcheuse habitude de les laisser maturer avant de les retravailler jusqu’à plus soif.
Après avoir vu certains de ses textes publiés récemment dans la revue littéraire du Marais « L’autre Rive », il saute le pas et propose ses poèmes dans diverses revues poétiques.