Fabien Sanchez – Trois poèmes

Photo: MA Real

A mesure que je pénètre de telles certitudes

Ce tempérament littéraire
qui me joue parfois des tours,
je j’appelle littéralement
« le Heartbreak romanesque hôtel ».

Surgie de nulle part,
ou du téléviseur (éteint bien entendu),
ou de ce troisième tiers de la vie,
de cette coda en immersion,
à l’écoute de Daniel Norgren, Putting my tomorrows behind,
cette évocation dont la valeur est dans l’exemple,
parle d’or, et déjà,
me voici avec plus éperdu que moi,
un cœur fou qui MissRobinsonne.

Sur de telles assises ne pas prendre ses aises !

Mais si je me suis levé,
ce n’est pas avec un bras armé de justice,
mais de justesse et comme de juste,
pour cesser d’être l’affidé
de la position du sentiment couché.

Que me vaudra mon article de foi à l’article de la mort ?
C’est ce que j’ai le front de convoquer devant le front de la mère,
et que j’appelle une question,
non pas tant frappée d’idiotie que par un idiot.

Qu’est-ce qui est sans réserve chez moi ?
Ce que la joie met au supplice, celui de tantale,
quand m’ajourant, elle ajourne,
et que m’approchant, elle recule ?

Il ressort très clairement de ce qui précède,
que je me suis égaré au lieu de…
Mais qu’ai-je à dire à 4H52 du matin
n’était que Daniel Norgren
tourne en boucle dans la pièce sévère,
et que, moi-même, je fais des ronds sans fumée,
dans mon Living des pas perdus,
et que tous les bruits de la ville se sont couchés sur l’asphalte.

Mes émotions, qui ne m’enracinent jamais,
me déracinent une fois encore.
Une fois qui est coutume.

J’ai envie d’aller prendre un café avec Judith la croqueuse de doutes.
C’est tout ? s’étonne une voix en mon for intérieur
qui n’est pas en restes comme votre serviteur est en rade.
Je vois s’ouvrir en deux mon courage,
mais pour quel passage ?
A quatre heures du matin,
l’idée de Dieu
se vêt de sentiments
qu’à quatre heures de l’après-midi,
je dévêts pour d’autres.

Ce salaud de salut,
il n’y a que lui qui croit compter !
Puisqu’il est toujours question d’être pesé,
comme une âme ou un regret.

 

**

Ce jour

Le lyrisme en lambeaux de Claudel
est de cet absolu du jour
qui claque au vent
en cet éclair où mon corps
n’est plus qu’une idée tirée de son fourreau,
et l’en-demain de cette vie exige
que j’aie pitié du réel
sur son radeau de nuit.

 

**

Poème du 16 juin

Au pied des sentiments d’argile,
Le mot clandestin
S’est vu relié à cette émotion dévote
De n’être plus pris
A aucun piège,
Mais par la brise, caressé.
Et, depuis ce corps
Caché au café maure,
Assis sur un tas de vécu,
Je fume sans métaphysique.

Arcadie !

L’énergie avait un point de côté
Depuis ces crédits sans credo
Loin de tout offertoire.

Rien en moi n’oblige
Plus aucune crainte de se faire connaître.

Ah ! cet instant où l’on
Croirait désirer encore.
Profuse fatigue.
Le minuit – cinq heures est passé,
Le mi-jour est à la fenêtre.
Allons, on annonce
Du courage.
C’est son absence
Qui demeure
La grande imprévue.

Je ne suis pas en vue de Toggourt,
Mais c’est tout comme,
Depuis ce lieu qui attise ou apaise
En moi le désir de me tenir proche
Parmi mes frères dissemblables,
Dans cette zone hétérogène du café érogène,
Où, ayant levé trop haut ma révolte,
Nous fûmes tous les deux rabaissés
A nous confronter,
Comme chaque jour,
Aux mots qui font usage
De la liberté.

 

 

Fabien Sanchez est un écrivain (poète, romancier, nouvelliste,) né en 1972, originaire de Montpellier et qui vit à Paris depuis 1996.

Il se plait à boulevarder dans cette ville quand il ne va pas se recueillir au cimetière du Père Lachaise proche duquel il habite.

Auteur de recueils de nouvelles et de romans tels que « Le sourire des évadés » qui fut en lice pour le Goncourt du premier roman en 2015, il collabore à de nombreuses revues littéraires internationales. Il est aussi poète. On lui doit à ce titre cinq recueils, aux éditions La Dragonne, Al Manar, Les carnets du dessert de lune…

Il mène de front une vie littéraire et une littérature qui évoque sa vie, mais l’intéresse avant tout ce qu’il théorisa sous la formule de « provinces des sentiments quand elles deviennent des capitales ».

Pour lui, écrire consiste à recoller les morceaux devant l’énigme de ce qui s’est cassé.

De même tente-t-il d’arracher sa part d’ombre à ce que l’ombre a autrefois caché dans son indicible clarté.
C’est parce-que l’écriture le libère, qu’il est enchaîné à elle.

Sa profession de foi, s’il devait en avoir une, rejoint le propos de François Mauriac qui disait de lui-même qu’il était un métaphysicien qui travaille dans le concret.

 

Bibliographie

Editions La Dragonne

2006Chérie, nous allons gagner ce soir (nouvelles)

2009Ceux qui ne sont pas en mer (nouvelles)

2012J’ai glissé sur le monde avec effort (poèmes)

2014Le sourire des évadés (roman)

Sélection Goncourt premier roman 2015

2018Un train est passé (roman)

Editions Les carnets du dessert de lune

2016 – Dans le spleen et la mémoire (poèmes). Photos de Olivia H.B.

Editions Al Manar

2017 – Jours de gloire (nouvelles)

Illustration Jean Michel Marchetti

Editions Tarmac

  1. Les illusions des vivants / L’orage innocent (poèmes)

Editions La P’tite Hélène

  1. La marque impure (poèmes)

Illustration Jean Michel Marchetti

Editions de Collection « Les Plaquettes » de la revue A L’INDEX

2021- Derrière le porte étroite (suivi de) Jusques aux bords

(Poèmes)

Parutions de textes (poèmes, nouvelles, pensées…) dans les revues :

A L’Index, Souffles, Gustave Magazine, Revista Altazor (Revue chilienne de poésie), Traversées, Harfang, Le cafard hérétique, Lichen, La main millénaire, Poésie première, FPM (revue des éditions Tarmac), Revue rue Saint Ambroise, Revue des Archers, Microbes, Bleu d’encre, Schnaps, Impro-Jazz, Traction – brabant, La Pirania (Revue mexicaine), Oupoli (Ouvroir de poésie libre), …

Le livre pauvre (Deux exemplaires, avec des dessins de Jean-Michel Marchetti)

Dehors, recueil collectif aux éditions Janus.