Patrick Williamson – Trois poèmes

 

Talking to myself

I dress for dinner in the one shirt
I have (a pinstripe), button
the sleeves, tidy my hair.

I’m going to dine with myself,
such is life, the telephone tings
across the street.

The parked car is whirring,
it cools and begins to relax;
even cars have to relax.

I do it away from home,
on a bench in the park, writing
more problems than solutions.

The evening draws in.
I move off,
heading for my rendez-vous
I mustn’t be late.

 

En train de me parler à haute voix

Je m’habille pour dîner avec mon unique chemise
(une à rayures), boutonne
les manches, m’arrange les cheveux.

Je vais dîner avec moi-même,
c’est la vie, le téléphone sonne
de l’autre côté de la rue.

La voiture garée ronronne,
refroidit et commence à se calmer;
même les voitures doivent se calmer.

Je le fais loin de la maison,
sur un banc de parc, écrivant
plus de problèmes que de solutions.

Le soir tombe…
je me mets en route
pour mon rendez-vous,
je dois être à l’heure.

Traduction : Cécile Dubois

 

A bottle

A closed bottle is a silent book
pull the cork
this intoxication runs through me
this memory of wine
that restores under the tongue

the secret words
that strengthen my voice
their speech can accompany us
in our journey
night and day

the soul of wine
I carry you within me
wind on the embers
the flame of my heart
drunkenness of the living

and here I am
suddenly
remaking
the world

 

Une bouteille

Une bouteille fermée est un livre muet
arrache le bouchon
l’ivresse qui me traverse
cette mémoire du vin
qui restitue sous la langue

les mots secrets
qui fortifient ma voix
que leur parole puisse nous accompagner
dans notre voyage
nuit et jour

l’âme du vin
je te porte en moi
du vent sur les braises
la flamme de mon cœur
de l’ivresse des vivants

et me voici
soudain
en train de refaire
le monde

Traduction : Patrick Williamson

 

The fly and compass

 The bluebottle buzzed. He thought,
swivelled the compass but it wavered,
a quivering dowsing stick. Whack.

 
Just by his ear. Slap. Which point
did it settle on. He swirled,
to get his bearing. Let it buzz.

 
He turned left, right, strode away
but still it swayed, out of kilter,
a cog well out of order. Gnat.

 
He dozed. The little fly settled
on his nose. Attack! Splat.
Steady as she goes. Stumble out. Home.

 

La mouche et la boussole

La mouche bleue bourdonnait. Il réfléchit,
tourna la boussole mais elle vacillait,
une frissonnante baguette de sourcier. Tape.

Tout près de son oreille. Slap. Sur quel point
s’était-elle établie. Il tournoya,
pour retrouver sa direction. Qu’elle bourdonne.

Il tourna à gauche, à droite, et s’éloigna
mais elle oscillait encore, détraquée,
un rouage bien déréglé. Putain moucheron.

Il s’assoupit. La petite mouche s’installa
sur son nez. A l’attaque ! Ecrasée.
Tiens la barre ! Il trébuche. Attention, il rentre.

 Traduit par Anne Talvaz
   Patrick Williamson, poète et traducteur anglais. Recueils notables : Traversi (bilingue italien-anglais, Samuele Editore, Italie), Tiens ta langue/Hold your tongue (éditions L’Harmattan), Beneficato (Samuele Editore). Dernièrement il a contribué à la traduction de dix poètes Italien-nes dans BABEL stati di alterazione, à une anthologie Di Bologna in Littere, et il est l’auteur de Quarante et un poètes de la Grande-Bretagne (Ecrits des Forges/Le Temps de Cerises), et de The Parley Tree, French-speaking poetry from Africa and the Arab World (Arc Publications). Membre fondateur de l’agence littéraire transnationale Linguafranca.