Kévin Balouin

* In memoria *

Je me lève pour retrouver le manque de moi
le manque des autres et la poésie
la chaise au dos endormi
dos rond craqué
j’essaye, j’invective le jour naissant

Tout revient
le trou de ma terre
son vide ma racine
l’archange qui déambule
les figues qui ne tombent jamais
le mensonge quand l’oeil s’ouvre
dupée ma peau sur les carrelages dégrossis
gestes machinaux, je ne bois pas de café
souffle de brume
j’invente une clairvoyance
pour traverser l’accaparement de la grande énigme
jour durant jour éternité

 

***

* Voeu de l’absence *

A quelques pas de la cloche
on s’esquinte
les planches ont quatre clous
pour demain

Si le jour est pluvieux
il crache ton désarroi
les gouttières ne suffisent plus
à contenir tes larmes

Un matin, la barque est partie
poussée par les encens
éloge funèbre
s’il faut le faire luire

Eau dans la croupe
un lit gémit
ta main bleuit
déserte l’étreinte

Une promesse
une fois de plus
vœu farceur
tu n’es plus là

L’air ici sédimente un peu
de ton profil
comme
partant sur
la rive
libérée de la glace.

 

***

* Le chant du rossignol *

Ma pièce a quatre coins
tranchants
Ma nuit. Tes pas
craquent le parquet

Le creux du plâtre
accueille
mes angoisses
je peins ta
face inondée
de lumière

Dans les escaliers l’ombre
monte
Orphée me boude
et je suis fatigué

Las de pleurer
les paupières
fermées
sont un rideau de
mauvaise qualité

Tu n’es plus là,
tu n’as jamais été qu’un
fantôme
avec un œuf dans
le ventre

***


Né en 1994 dans le Pays Bigouden, à la pointe du Finistère. Résolument anarchiste et conscient de la force émancipatrice du langage, il s’investit dans des projets qui font sens humainement.
Après des études en hypokhâgne-khâgne et un bref passage à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, il devient enseignant en classe préparatoire aux écoles supérieures à Lyon puis décide de partir enseigner ailleurs. D’abord en Lettres modernes à Mayotte dans l’Océan Indien, puis en Histoire en Guyane sur les rives du Maroni à la frontière du Surinam. Sa vie est donc ponctuée de grands départs et de retours dans sa Bretagne natale qu’il affectionne particulièrement.
Son activité poétique se concentre autour des trajectoires marginales, des ruptures, des glissades, des brasiers de l’intériorité, de la dualité inavouée du monde contre soi, notamment en explorant la trajectoire des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, trajectoire qui fut la sienne.
Il s’intéresse également à l’urbanité, au mouvement architectural brutaliste et à son lien avec la poésie contemporaine.
Engagé au sein de POÉTISTHME depuis la création de la maison d’édition associative, il poursuit l’écriture de plusieurs manuscrits sur le reste de son temps libre et réfléchit à sa prochaine aventure.