Anne Soy

La nuit serait enfin bleue mais ce serait lui crever les yeux.
Des yeux éteints, engloutis de ténèbres.

Je cherchais mon reflet dans ses yeux. Je devais y trouver un chemin, y accrocher une lumière, y réveiller un éclat. Je soufflais sur les cendres, mais elles ont envahi ma bouche, mes bronches et je n’ai rien trouvé. Je n’ai fait que tomber dans son regard mort, croisant des cadavres sans noms, des histoires sans mots, des cris retournés.

Je ne détenais que ces eaux troubles où me nourrir de chagrins.

Ce regard était ma cour à récurer, mon lot de linge sale.

J’ai ouvert les yeux dans l’opaque. À genoux il fallait frotter, gratter les taches avec les ongles qui s’incrustaient et rien ne brillait. Le monde rétrécissait.

J’étais là autour des tombes sans savoir. J’errais sans oser imaginer qui était mort ou qui devait mourir et sans parvenir à détourner son regard. Les bras au ciel, implorant les absents, les yeux happés par cette béance où je ne me décidais pas à sombrer, elle grimaçait du bout des lèvres laissant entre les soupirs s’échapper des mots comme des toiles d’araignée.