Jean-Christophe BELLEVEAUX

Extraits de géographies furtives (inédit)

J’avance lentement dans le sommeil, mes pieds déjà pris par les ventouses de la vase. Les baraques de planches disjointes sont sous perfusion de la nuit que ponctue le muezzin. Le froid engourdissement monte dans les jambes, enserre ma taille. Galetas, misérable moustiquaire trouée. L’onde catatonique irradie jusqu’aux épaules, submerge la tête au final, je me noie pendant quelques heures. Penthotal des heures  chaudes et humides aux gamins dépenaillés, de la poussière et de la rouille. « L’ennui de vivre / Et la peur de mourir / Partageant nos pas. » Robert Marteau. Au matin, dans la nuit qui s’efface, je marche tel un somnambule, grimpe dans une camionnette en fin de vie qui bringuebale dans les ornières : six heures de piste à travers la jungle pour rejoindre quoi donc ?

  (Gunungsitoli)

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 Une petite pluie parcimonieuse placarde sa liquide grimace sur tout le paysage ; il suffirait d’écrire crachin sans plus de chichis. Il suffirait de ce rien, de cette retenue qui tend vers le silence. Mais viennent tous ces appels de sirènes, tous ces cris du Réel, ces étincelles, ces virgules derrière lesquelles je demeure tapi tel un jaguar.

 Sampans du port d’Aberdeen, un aigle vole haut par-dessus les gratte-ciels, ferries pour les îles : Cheung Chau, Lamma, Lantau, Peng Chau…

 Lesté celui-là de son moi je, qu’il jette aux orties qui piquent, l’ailleurs rugit dans ses pensées, dans son moi je idiopathique.

 (Hong Kong)

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 Les vaches errent au milieu de la circulation (camions, rickshaws qui se faufilent, charrettes tirées par des dromadaires) ou se couchent au milieu de la chaussée. Tintamarre de klaxons qui tourmente les oreilles. Fièvre. Les hommes portent des boucles d’oreilles en forme de fleurs. Le jour m’emporte dans son rictus. Vibre le fil de l’été, tendu à se rompre. L’Inde : une véhémence. Les saris brodés fulgurent de partout. L’indescriptible sentiment.

 (Jaïpur)

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Jean-Christophe Belleveaux est né en 58 dans le département 58. Il a publié une vingtaine de recueils de poésie, dont Territoires approximatifs (Éditions Faï fioc, 2018), Les lointains (Éditions Faï fioc, 2023).