Poèmes de El retrato del uranio, Cuadernos de la errantía 2020
Traduction par Miguel Ángel Real
No volveré a llamar a un árbol árbol;
lo llamaré cerezo, almendro, pino,
enebro, roble, encina.
Si el destino de un hombre
está en su nombre, ningún árbol se llama solo árbol
sin partirse.
O buscaré el que solo sea un árbol.
Ni sauce ni eucalipto,
solo un árbol que acepte con mi fuego consumirse
sin nadie que lo sepa ni lo añore.
Una madera anónima
que ardiera en una anónima fogata
y fuera anónima ceniza que el viento esparce.
Ni limonero ni magnolio
ni higuera ni arce ni raúl,
solo un árbol sin fin que nadie llore. J
Je n'appellerai plus jamais un arbre un arbre;
je l'appellerai cerisier, amandier, pin,
genévrier, chêne, chêne vert.
Si le destin d'un homme
est dans son nom, aucun arbre ne s'appelle seulement arbre
sans se fendre.
Ou je chercherai celui qui n'est qu'un arbre.
Ni saule, ni eucalyptus,
seulement un arbre qui acceptera avec mon feu de se consumer
sans que personne ne le sache ni ne le réclame.
Un bois anonyme
qui brûlerait dans un feu de joie anonyme
et des cendres anonymes que le vent disperse.
Ni citronnier, ni magnolia
ni figuier, ni érable, ni raúl,
juste un arbre sans fin que personne ne viendra pleurer.
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Si nos quedáramos sin ojos como
un estanque sin peces, ¿todavía
existiría la luz en algún sitio?
Mi todavía contra tu nunca más;
mis alas como orejas arrancadas y colgadas
de una cuerda en el patio contra tu aire.
Si nos quedáramos sin aire como
un poema muerto, maniatadas sus nubes, sus promesas,
¿existiría el aire en algún sitio?
Mi poema muerto contra tu nunca más;
mi cuchara brillante donde me veo al revés contra tu cara.
El poema que no puede morir
al morir deja abierto
un ojo entre la nieve.
Por él respiras todavía.
Si nous n'avions plus d'yeux, comme
un étang sans poissons, y aurait-il
encore de la lumière quelque part ?
Mon encore contre ton jamais plus ;
mes ailes comme des oreilles arrachées et suspendues
au bout d'une corde dans la cour contre ton air.
Si nous manquions d'air comme
un poème mort, ses nuages, ses promesses attachées,
l'air existerait-il quelque part ?
Mon poème mort contre ton jamais plus ;
ma cuillère brillante où je me vois à l'envers contre ton visage.
Le poème qui ne peut mourir
laisse ouvert en mourant
un œil dans la neige.
A travers lui, tu respires encore.
*****
Vive y no hagas como si vivieras.
Las oscuras raíces
no han visto el sol en el que creen
ni han visto las flores que otros gozarán.
Si fueras como el campo honrado,
vivirías y no harías como si vivieras.
Pero lees, escribes, ves, esperas;
y se te van las noches y los días.
Te hizo falso
el miedo a no ser centro de tu vida,
a caer en el olvido; y levantaste
aquello que escribiste como un muerto su escudo.
Algo está fuera
y se nos mete dentro: un límite, un amor, un pan mordido.
Vive y no cantes más
lo que perdiste.
Vis et ne fais pas semblant de vivre.
Les sombres racines
n'ont pas vu le soleil auquel elles croient
ni n'ont vu les fleurs que d'autres apprécieront.
Si tu étais comme le champ honnête
tu vivrais et ne ferais pas semblant de vivre.
Mais tu lis, tu écris, tu vois, tu attends ;
et les nuits et les jours t'échappent.
La peur de ne pas être le centre de ta vie,
de tomber dans l'oubli
t'ont rendu faux, et tu as brandi
ce que tu as écrit comme un mort lève son bouclier.
Quelque chose est dehors
et entre en nous : une limite, un amour, un pain mordu.
Vis et ne chante plus
ce que tu as perdu.
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Raúl Nieto de la Torre est né à Madrid en 1978. Il est titulaire d’un diplôme en philologie hispanique et d’un doctorat en littérature espagnole de l’Universidad Autónoma de Madrid. Son premier recueil de poèmes, Zapatos de andar calles vacías (2006), a été traduit en français et publié en France sous le titre Pas perdus dans des rues vides (2008). Il a également publié, toujours en poésie, Tríptico del día después (2008), Salir ileso (2011), Los pozos del deseo (2013), Leopardo (2017), Una jaula vacía cerrada por dentro (2019), El retrato del uranio (2020), la plaquette Sinceridad de la Sombra (2022) et Piedra negra, piedra blanca (2022). En tant que critique littéraire, il a écrit l’essai El héroe de ficción y las ficciones del héroe en la obra narrativa de Luis Landero (2015) et des articles dans des revues spécialisées telles que Turia, Nayagua, República de las Letras et Crítica. Il enseigne la langue et la littérature espagnoles.