Sylvain Jules

Unique vocalise

Les poèmes arrachent au temps
ses strates pétrifiées

Ils préparent dans le cœur de l’écriture
une floraison sonore
de terre et de débris d’amphores

La poésie
humus et vestiges épars

Sommeille
dans les plis de ses feuilles de pierre

Son âme ensevelie ébruite des silences

Une langue percutée par les outils de fouille
commence à résonner

La poésie augure

Un herbier poétique bruisse
d’un silence multiple

Chaque poème murmuré résonne

Ce sont des sentiers arides craquelant
dans le corps de la langue

Renaissante

Elle nous parle de ses souffles antiques d’un vert lacustre

De ses tapis de vignes et de bois de chênes élancés
immortels

Dans le souffle de l’écriture

La poésie s’inaugure


*****


Au bout de sentiers calcinés
Ce poème pourra

                                                                                     Migre ma demeure

Tout poème résonne ailleurs
Ses éclaboussures décrivent des constellations
Irisent des feuillets imaginaires

Retombent en pluies de verres
Venant joncher un parterre crépitant

Fleurs blanches d’amandiers essoufflées

Une pluie de sable
Sur un sentier ocre

Une lame de silex ciselée
Un tranchant

L’écriture incise notre présent
dépose son cri de craie
puis s’envole poème


*****


Interpréter les espaces tus

Ce serait apprendre à lire des silences blancs

Sources inépuisables de poèmes à venir

Des murmures multipliés, feuillets dépliés
susurrent parfois un appel caché

Des bribes éparses ornant des parois encore préservées

Ce serait des paroles vierges
Des échos à déchiffrer indéfiniment


*****

L’auteur se présente

Né en 1981 à Nîmes, dans le sud de la France, j’ai eu la chance de grandir dans un
environnement idyllique au sein d’un jardin de garrigue luxuriant, à la fois proche de la ville et des
bois environnants : une sensibilité accrue à la nature, sa flore et sa faune s’éveillait en moi.
Très tôt je suivis des études à l’école de musique avant de devenir moi-même professeur de
trompette, puis médiateur documentaire en médiathèque.

Marqué profondément par la musique et le corps à corps avec la nature, je me suis dirigé
naturellement vers la prose poétique à travers mon premier ouvrage Jardiner ses mémoires
échouées
paru chez Nombre7 Éditions : ce premier recueil me permit de retracer une vie très
intimement liée à la nature, à sa contemplation, mais aussi à son travail d’entretien.

Ces trois poèmes que je vous propose sont extraits d’un recueil poétique en prose intitulé
« Une blancheur » encore non édité. Ressentant de plus en plus que la poésie articule un
déploiement du sens par une résonance du sonore, ces poèmes se veulent le révélateur d’une
errance.

S’extirper d’une enfance terreau, sonner l’olifant d’une retraite apaisée. Unique vocalise, voyage
inachevé, ce serait un travail dans le son craquelé d’une langue blanchie par la migration. Une
échappée fertile, un abandon créatif vital.