Le Scribe

   Il flotte dans les bulles, drapé dans un silence monacal. Les piliers moisis se dressent entre les massifs d’immortelles. Rien ne bouge, si ce n’est le vent des mers voisines qui feulent entre les pins déformés par les ouragans… Le scribe est venu avec son lutrin et son écritoire : il a écouté les bavards en jetant des signes sur le parchemin… Il a bu à la coupe de la nuit. Puis, il s’est épanché sur le blanc de la page, laissant couler cette écriture sibylline que nul ne sait déchiffrer… Il a couvert tout le rectangle vierge de ses signes compliqués, puis il s’est arrêté un long moment, plongé dans une réflexion profonde, sans bouger, muet, comme absent du monde. Soudain, son visage s’est éclairé : lentement, posément solennellement, il a tracé le dernier symbole. Alors, le monde a disparu et lui seul est demeuré, flottant dans sa bulle porté par le vent solaire vers l’ailleurs lointain…

                                                              Jean-Jacques Brouard, Méditations poétiques, 2000-2018